Alors que le Bénin célèbre son indépendance nationale, le secteur agricole continue d’évoluer. Les avis divergent quant à savoir si le pays peut véritablement atteindre l’autosuffisance alimentaire. Entre réalisations notables et défis persistants, quel bilan peut-on retenir ?
Opportune Ahitchémè & Maëlle Anato
Le 1er août 2024, le Bénin célèbre le 64e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale. Si cette date marque un moment de fierté et de célébration pour le pays, la question de l’indépendance dans le domaine agricole reste un débat. Alors que le Bénin s’efforce d’améliorer sa sécurité alimentaire, il est essentiel d’examiner les progrès réalisés, les défis persistants et la faisabilité d’une véritable autosuffisance alimentaire.
Al-Rachid da Silva, technicien d’élevage, affirme que des progrès importants ont été réalisés sous le régime du Président Patrice Talon. À l’en croire « nous avons des secteurs sur lesquels on a mis assez de ressources pour faire en sorte que les productions s’augmentent, les qualités de production s’améliorent et que l’autosuffisance alimentaire soit un objectif à atteindre ». Il reconnait que le Bénin n’a pas encore atteint l’autosuffisance totale, mais les initiatives gouvernementales, telles que l’amélioration des infrastructures agricoles et le soutien aux producteurs locaux ont permis d’avoir des avancées significatives.
Statistiquement, le Bénin a enregistré une augmentation de 20 % de sa production agricole au cours des cinq dernières années, selon les données du Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche. Cette croissance est attribuée aux investissements dans les technologies agricoles, l’amélioration des pratiques culturales et le soutien accru aux petits producteurs. Cependant, malgré ces progrès, le pays reste confronté à des défis importants pour atteindre l’autosuffisance alimentaire complète.
Modeste Dayato, agriculteur et leader du mouvement paysan, met en lumière les défis auxquels le Bénin est confronté. « L’autosuffisance alimentaire totale reste un défi majeur », affirme-t-il. Il reconnaît les efforts des producteurs locaux qui continuent à travailler dans des conditions difficiles, mais souligne que la diversification des cultures et l’amélioration de la production de protéines animales restent des enjeux cruciaux.
En effet, les données montrent que malgré une augmentation de la production de céréales et de tubercules, la production de protéines animales, telles que la viande et les produits laitiers, n’a augmenté que de 5 % au cours de la même période. Les prix des produits comme le maïs ont également connu une hausse de 15 % cette année, ce qui a un impact direct sur la sécurité alimentaire des ménages béninois. Dayato souligne la nécessité d’adapter le modèle agricole aux besoins croissants de la population. « Nous ne sommes pas encore autosuffisants en termes de production par rapport aux sources de protéines animales. Il y a un travail encore à faire à ce niveau pour y arriver », dit-il. La dépendance aux importations de produits alimentaires et d’intrants agricoles constitue un obstacle majeur pour l’atteinte de l’autosuffisance.
C’est dans ce sens que Carmel Gougbé, agriculteur expérimenté, exprime des préoccupations quant à l’indépendance agricole réelle du Bénin. Il estime que « nous dépendons quand même de beaucoup de choses » et que la dépendance aux importations de matières premières et de produits alimentaires empêche le pays d’atteindre une véritable indépendance. L’agriculteur insiste sur le fait que tant qu’il reste à faire, rien n’est encore fait. Car, environ 30 % des matières premières utilisées dans l’agriculture béninoise sont importées, ce qui représente une charge importante pour le secteur. En outre, les coûts de production restent élevés en raison de la dépendance aux intrants importés, ce qui limite la compétitivité des produits agricoles locaux sur les marchés nationaux et internationaux. Et pour répondre à ces défis, le gouvernement béninois a mis en place plusieurs politiques et initiatives visant à renforcer la production agricole nationale. Parmi celles-ci, figurent des subventions pour les intrants agricoles, des programmes de formation pour les agriculteurs et des investissements dans les infrastructures rurales. Les données indiquent que ces initiatives ont eu un impact positif sur la productivité agricole. Par exemple, la production de riz a augmenté de 18 % au cours des trois dernières années grâce à des programmes de soutien aux riziculteurs.
Cependant, des améliorations sont nécessaires pour atteindre une autosuffisance totale, notamment en termes de production de protéines animales et de diversification des cultures.
Des pistes de solutions à explorer
Le chemin vers l’indépendance agricole du Bénin est parsemé d’embûches mais pas impossible. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés, le pays doit encore relever plusieurs défis pour atteindre une véritable autosuffisance alimentaire. Les efforts actuels doivent être intensifiés, notamment en réduisant la dépendance aux importations, en améliorant la productivité et en soutenant les agriculteurs locaux. Avec une politique cohérente et un engagement soutenu, le rêve d’un Bénin pleinement autonome sur le plan agricole pourrait devenir une réalité. Ainsi, le Bénin se trouve à un carrefour crucial où les actions entreprises aujourd’hui détermineront la trajectoire future du secteur agricole. En continuant à investir dans l’agriculture, à soutenir les producteurs locaux et à promouvoir des pratiques durables, le pays peut espérer se rapprocher de l’objectif d’une véritable indépendance agricole dans les années à venir.