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CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE LA FONDATION FARM : Mesurer l’impact pour mieux investir
Les besoins en financement des pays du Sud pour une transition durable de leurs agricultures sont considérables, mais trop souvent couverts de façon peu équitable et efficace. L’augmentation de ces financements est pourtant une question cruciale pour nourrir une population qui croît fortement, notamment en Afrique. C’est cet objectif que la mesure d’impact devrait servir de façon prioritaire, augmenter de manière durable les financements et investissements dans l’agriculture.
Il faut le rappeler, dans les pays du Sud, les agriculteurs sont les premiers à investir dans l’agriculture. Bien que rarement reconnue, leur contribution est massive. En Afrique, par exemple, l’on estime que 70 % de la population dépend de l’agriculture. Face à ces constats, la Fondation FARM a appelé, lors de sa conférence internationale, à l’adoption de mesures d’impact des investissements plus inclusives.
En pratique, la réalité du contexte et des moyens des petits producteurs doit être mieux prise en compte afin qu’ils accèdent aux financements. À la suite de cette conférence, la Fondation FARM lance un groupe de travail. Nourri de bonnes pratiques et de l’intelligence collective de producteurs, de financiers, de scientifiques et d’entreprises engagées, il produira des recommandations en termes de méthodes, d’indicateurs et de gouvernance.
« Le poids de la mesure d’impact doit être assumé de façon plus équitable par tous les acteurs des chaines de valeur » souligne Pascal Lheureux, Président de la Fondation FARM, rappelant qu’en milieu rural « les producteurs sont souvent très seuls à assumer des process de reporting toujours plus sophistiqués ». À l’occasion de la conférence, le prix de la Fondation FARM (première édition) a été remis au chercheur Burkinabé Koulibi Fidèle Zongo, pour ses travaux sur la fertilité des sols et la valorisation du compost.
Plus de 300 personnes de tous pays étaient rassemblées ce mardi à la Cité internationale universitaire de Paris et autant en ligne pour assister à la conférence internationale de la Fondation FARM. La question de la mesure d’impact des investissements destinés à la transition agricole des pays du Sud a été abordée sous différents angles à l’occasion de trois tables rondes.
L’occasion de témoignages et de regards croisés entre producteurs, transformateurs, organisations financières et scientifiques qui ont pu mettre en lumière bonnes pratiques et voies de progrès. Interrogé sur le choix de cette thématique centrale pour la conférence, Matthieu Brun, directeur scientifique de la Fondation a rappelé qu’à travers cette question, « c’est l’efficacité toute entière de l’aide à la transition agricole des pays du Sud qui est en jeu ».
Selon un rapport de la FAO, du PNUD et du PNUE, 87 % des 540 milliards de dollars de soutiens publics aux producteurs agricoles seraient composés de mesures souvent inefficaces et inéquitables et engendreraient des distorsions dommageables à l’environnement. Matthieu Brun précise que « les acteurs français des filières agricoles et alimentaires ont un rôle à jouer dans ces transitions, car ils investissent et s’approvisionnent dans les pays en développement ». En effet, la France est le 7ᵉ pourvoyeur mondial d’investissements directs étrangers (IDE) dans le secteur agricole et agroalimentaire, dont un tiers vers les pays du Sud.
Les défis de la mesure d’impact à l’ère du reeporting extra-financier
Les entreprises agricoles et alimentaires occidentales font face à une pression croissante pour mesurer l’impact de leurs activités, de la part des régulateurs, des institutions financières, voire des consommateurs. La directive européenne CSRD – bien qu’elle soit aujourd’hui questionnée – accentue cette pression, imposant aux entreprises de publier des informations détaillées sur leurs 2 impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance : il s’agit de mesurer l’empreinte carbone, sur la biodiversité, les conditions de travail des agriculteurs locaux…
La diversité des contextes des filières agricoles d’un pays à l’autre, la longueur des chaînes d’approvisionnement et la multiplicité des parties prenantes rendent l’exercice ardu. Les processus de mesure tendent vers toujours plus de standardisation, avec le risque de s’éloigner des spécificités du terrain. On attend de la part des entreprises des méthodologies robustes, des données fiables et des indicateurs pertinents.
Mais comment quantifier l’amélioration des conditions de vie des producteurs, en particulier les plus vulnérables aux chocs et aux crises ? Comment évaluer la résilience accrue face au changement climatique ? Comment valoriser l’implantation d’un projet industriel de transformation locale de matières premières dont les répercussions seraient assurément positives à terme pour l’économie locale… alors qu’il peut être fortement carboné et donc potentiellement lourd au bilan carbone d’une institution financière ? On voit bien ici que, sur le terrain, l’impact n’est pas toujours immédiat.
Il suppose des observations sur une échelle de temps différente selon la portée et la nature des investissements. Café, cacao, soja, caoutchouc, arachide… De très nombreux produits issus de ces matières premières témoignent de l’impact considérable de nos habitudes de consommation sur les producteurs du Sud. Ces questions exigent une approche nuancée et une collaboration étroite avec les acteurs locaux.
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Priorités pour des mesures d’impact inclusives et lancement d’un groupe de travail
La conférence internationale de la Fondation FARM a été l’occasion de définir les qualités requises d’une « bonne » mesure d’impact. Concrètement, elle devrait allier indicateur pertinent, algorithmes vérifiables (si possible par une autorité indépendante) et outils de mesure d’impact (MRV) faciles d’utilisation. La préoccupation de l’accessibilité du producteur aux outils ou supports développés à son intention est ainsi clairement apparue comme une priorité.
À traduire par des formations adaptées, un encouragement au partage des connaissances et un renforcement des capacités locales à accompagner les démarches du producteur. Pour Catherine Migault qui dirige la Fondation FARM : « les pouvoirs publics, les associations et instituts de recherche ont tous un rôle clé à jouer, aux côtés des organisations professionnelles et des entreprises, dans cet effort collectif pour permettre à l’ensemble du secteur de progresser de manière cohérente et efficace dans la construction des instruments de mesure et éviter les risques associés à leurs usages ».
La mesure de l’impact des investissements agricoles pourrait ainsi constituer un levier majeur pour le développement durable des pays du Sud, dès lors qu’elle est utilisée pour améliorer les pratiques et pas uniquement comme un exercice de communication. Pour cela, il est indispensable de se donner les moyens de bien accompagner les producteurs
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