« Ceux qui cherchent des profits rapides abandonnent dès la première difficulté », Jourard Ronel EGBÉWOLÈ
L’agriculture est souvent perçue comme une activité de subsistance, mais pour Jourard Ronel EGBÉWOLÈ, entrepreneur agricole et formateur en agrobusiness, elle représente une véritable entreprise capable de changer des vies. Dans cette interview, il partage son expérience, les erreurs fréquentes des jeunes agriculteurs, et propose des solutions concrètes pour favoriser leur réussite au Bénin.
À votre avis, quelles sont les principales erreurs que commettent les jeunes lorsqu’ils se lancent dans l’agriculture ?
Beaucoup de jeunes se lancent sans étude de marché, sans plan d’affaires clair et sans formation technique solide. Ils imitent ce que font les autres sans comprendre les réalités du secteur. Une autre erreur fréquente concerne la gestion financière. Les jeunes confondent souvent chiffre d’affaires et bénéfices, ce qui les conduit rapidement à des difficultés.
Pensez-vous que la plupart des jeunes échouent en agriculture ? Avez-vous des statistiques ou sources fiables ?
Oui, malheureusement, beaucoup échouent. Selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) et certaines études locales, plus de 60 % des jeunes qui s’installent en agriculture abandonnent dans les trois premières années. Les raisons sont multiples : manque de rentabilité, absence d’accompagnement et financement inadapté. Au Bénin, les enquêtes du MAEP (Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche) confirment ces chiffres.
Parlez-nous de votre expérience, vos erreurs et des solutions que vous avez mises en place.
Quand j’ai débuté avec mon projet de papaye et de tomate, j’ai sous-estimé l’importance de la qualité du sol et j’ai planté sans analyse préalable. Résultat : des pertes en production, du temps et de l’argent gaspillé. J’ai aussi voulu passer trop vite à grande échelle sans maîtriser la petite production. Avec l’expérience, j’ai appris à commencer petit, à tester, à documenter mes résultats et à investir progressivement. Aujourd’hui, mes projets agricoles reposent toujours sur la formation continue, la planification et une gestion rigoureuse.
Quel rôle joue, selon vous, la gestion financière et l’accès au crédit dans la réussite ou l’échec des jeunes agriculteurs ?
Un rôle central. L’agriculture nécessite des investissements constants : semences, intrants, irrigation, main-d’œuvre. Sans gestion financière solide, les jeunes confondent dépenses personnelles et dépenses professionnelles. L’accès au crédit est également un grand défi. Peu de banques font confiance aux jeunes agriculteurs. Pourtant, sans financement adapté, même les meilleures idées meurent avant de produire des résultats.
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Comment l’absence de persévérance ou la recherche de gains rapides influence-t-elle l’avenir des jeunes en agriculture ?
L’agriculture n’est pas un « business miracle ». Les résultats viennent avec patience, discipline et suivi. Ceux qui cherchent des profits rapides abandonnent dès la première difficulté. Chaque échec est pourtant une leçon précieuse. Seuls ceux qui persévèrent construisent une véritable carrière agricole durable et réussissent à long terme.
Pensez-vous qu’au Bénin les jeunes ont tout ce qu’il faut pour réussir en agriculture ?
Oui, le potentiel existe. Le Bénin dispose de terres fertiles, d’un climat favorable et d’un marché intérieur et régional porteur. Mais le manque de formation pratique, d’accès au financement et d’accompagnement technique reste un frein majeur. Ce n’est donc pas la ressource qui manque, mais l’encadrement et la mentalité entrepreneuriale.
Quelles solutions concrètes proposeriez-vous pour réduire le taux d’échec des jeunes en agriculture ?
Mes solutions concrètes consistent à former les jeunes avant leur installation, à la fois sur le plan technique et en gestion, à promouvoir les coopératives pour mutualiser les coûts et partager les risques, à faciliter l’accès au financement avec des crédits adaptés aux cycles agricoles, à mettre en place un suivi et un mentorat par des agriculteurs expérimentés, et enfin à changer la mentalité des jeunes en les amenant à considérer l’agriculture comme une véritable entreprise et non comme une simple activité de survie.
Votre mot de fin
L’agriculture est une mine d’or pour l’Afrique et particulièrement pour le Bénin. Mais comme toute mine, il faut creuser avec patience, discipline et stratégie pour en tirer profit. Je lance un appel aux jeunes : ne vous découragez pas face aux premiers obstacles. Formez-vous, persévérez et entreprenez intelligemment. L’avenir appartient à ceux qui nourrissent le monde.
Réalisé par Innocent AGBOESSI