Au nombre des épidémies majeures qu’a connu l’humanité ces deux dernières décennies (Ebola, Zika, Sars, Choléra, etc…), la maladie à Corona virus, est sans commune mesure.

Les mesures prises pour contrer le Covid 19 aussi bien au niveau international, régional que national, quoique salutaire et souveraine, ont des conséquences sociales, psychologiques et économiques dont l’ampleur et la durée reste encore largement non financière et vraisemblablement à une crise Alimentaire.

Les instances internationales (ONU, FAO, PAM, IFPRI) et régionale (CEDEAO) alertent depuis quelques jours du risque de glissement de la crise sanitaire vers la crise alimentaire à très moyen terme, et plus rapidement en Afrique. Ce glissement est dû principalement à la fragilisation des systèmes de production et de distribution des aliments notamment dans les milieux urbains et péri-urbains mais aussi à la baisse du pouvoir d’achat des ménages du fait du ralentissement économique global.

La filière avicole dans un bain de boue

« Il y a de cela quelques semaines, la perte au plan national en œufs produits au Bénin se chiffrait à environs 5.000.000 par semaine. Ceci constitue un danger pour l’économie Béninoise » nous apprend Camille Azomahou.

La filière avicole n’a guère échappé à la covid 19. L’impact de la covid 19 sur cette filière se situe à deux niveaux. D’une part que le Bénin n’arrive pas encore à produire la totalité de son besoin en poussin d’un jour, qui est le premier intrant pour produire les œufs et la viande de volailles. Il existe une manière spécifique de le produire, c’est un métier de la filière qui a son industrie à part. C’est à partir de l’élevage de reproducteurs jusqu’aux machines qui incubent les œufs et qui sortent par dizaine de milliers voire million, les poussins. Cela sous-entend qu’une bonne partie des poussins est importée de l’Europe. Le Bénin travaille cependant à renforcer les acteurs du métier pour accroître leur capacité d’une part, mais suscité d’autre part, les privés à s’y intéresser pour que la couverture nationale soit totale quel que soit le niveau de production. Depuis mars dernier, jusqu’à ce jour, aucune des commandes de poussins en provenance du Bénin, n’est disponible pour sa mise en place et ceci en raison de la perturbation des vols à cause de la crise sanitaire. Il existe fort heureusement, deux couvoirs au plan national qui essaient de satisfaire qu’une partie, c’est donc déduire que le retard dans l’arrivée des commandes pourrait installer une insécurité alimentaire et nutritionnelle.

Il faut noter que les acteurs de la filière font feu de tout bois, de concert avec le gouvernement et en particulier le ministère de l’agriculture de l’élevage et de la pêche et comme autre intervenant, les compagnies aériennes qui viennent pour qu’une alternative soit trouvée pour l’arrivée des poussins. « Nous tirons la leçon selon laquelle il faut rapidement avancer le renforcement des couvoirs au plan national, afin de ne plus rencontrer ce genre de blocage » précise le secrétaire permanent de l’Interprofession Avicole du Bénin.

D’autres part, Le Bénin est entouré de plusieurs pays dont le grand voisin du Nigéria et dont les états ont connus le phénomène de confinement ce qui a suscité beaucoup d’invendus en matière d’œufs et autres. La trouvaille pour les trafiquants qui ne jurent que par leurs intérêts a été de déverser ces œufs tout venant, ce n’est plus vraiment des œufs normaux. Il en existe qui sont attentatoires à la bonne santé des populations. Ces œufs sont donc déversés sur le marché à des prix de bradages. Pendant que le marché béninois des œufs commercialise le plateau d’œufs à hauteur de 1500f, ces œufs tant déplorés par les acteurs sont pour la plupart fixé à 1000f. Prétextant donc de sa situation de misère, le béninois adopte ces produits à moindre coût sans tenir compte de la qualité du produit qu’il consomme. Pour Camille Azomahou, « c’est en toute responsabilité que le gouvernement a agi en interdisant l’importation des œufs pour limiter ce phénomène qui avait installé la mévente dans le rang des producteurs et commerçants béninois ».

Vers une insécurité alimentaire et nutritionnelle certaine

Bien que les mesures prises par le gouvernement soient de nature à protéger les populations de la pandémie Covid19, elles ont des répercussions sur les systèmes alimentaires de façon générale et donc sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

L’offre en aliment: Les systèmes de production et les chaînes d’approvisionnement en aliment sont durement affectés. Par exemple, les systèmes de production pourraient manquer de mains d’œuvre du fait de la maladie ou des restrictions de déplacement. Pour Fréjus Thoto, « La mise en place du cordon sanitaire impact déjà la disponibilité de mains d’œuvres pour les entreprises situées dans la zone du cordon qui utilise des travailleurs de l’autre zone du cordon. Par ailleurs, certains groupes sociaux qui dépendent des aides alimentaires pourraient voir leur situation alimentaire se dégrader très rapidement et sans perspective ; les enfants qui bénéficient des programmes d’aide alimentaire sont un exemple ». L’autre considération importante sur l’offre d’aliment est la connexion du Bénin avec la chaîne d’approvisionnement mondiale. Le Bénin est un pays importateur né de certaines denrées alimentaires, notamment les produits alimentaires manufacturés et les produits carnés. Avec la réduction des liaisons aériennes et maritimes, le Bénin pourrait souffrir des effets collatéraux des mesures restrictives prises dans les pays exportateurs de ces denrées. Une inflation des prix à très court terme pour ces denrées alimentaire est donc plausible. La production et productivité agricoles se réduiraient si la pandémie se poursuit jusqu’à la période critique de semis à cause d’une pénurie de main d’œuvre, d’engrais, de services vétérinaires et d’autres intrants créée par des mesures de restriction en matière de déplacements et de circulation.

La demande en aliment : L’impact de la crise sur la demande en produits alimentaires sera multiforme. Depuis l’annonce de la mise en place du cordon sanitaire, il y a eu une hausse dans la demande de produits alimentaires à cause des « Achats de panique ». Ces achats sont essentiellement effectués par les ménages de la classe moyenne qui déposent d’épargnes entraînant une hausse soudaine dans la demande de produits alimentaire. D’un autre côté, la léthargie dans les activités économiques réduira le pouvoir d’achats des ménages et par conséquent entraînera une baisse dans la demande de produits alimentaires. Les individus qui seront les plus touchés sont les travailleurs journaliers et les travailleurs dont les activités économiques sont directement et négativement touchées par la crise comme le transport. la fermeture des établissements de restauration pourrait également entrainer une réduction de la production de produits frais et de produits de la pêche et affecter les producteurs et les fournisseurs de ces produits.

Les entreprises agroalimentaires : L’impact de la pandémie Covid 19 sur les entreprises agroalimentaires ira probablement dans les deux sens. Certaines entreprises qui dépendent par exemple du commerce régional et international auront des difficultés à écouler leurs productions tandis que les entreprises qui sont positionnées sur des chaînes de valeur dont les produits et services sont en forte demande par les ménages (surtout à revenus moyen) pourraient constater une augmentation de leur vente. Dans les deux cas, la crise sanitaire elle-même et les mesures misent en place pour la contenir impacteront les entreprises agroalimentaires et il est nécessaire d’approfondir l’analyse pour mieux évaluer l’impact et identifier les approches de solutions qui seront les plus efficientes.

Des actions pour éviter la crise alimentaire pertinentes mais insuffisantes…

Le secteur avicole est un secteur très sensible où la moindre erreur n’est pas permise et donc mérite du professionnalisme. Le renforcement du capital humain est le premier effort déployé. A cet effet il y a eu la formation d’une centaine des acteurs qui participent à l’animation de la filière avicole au Bénin. Ce qui vaut à affirmer avec assurance que le Bénin fait partir des meilleurs producteurs d’œufs de la sous-région.

Le deuxième effort est de travailler à renforcer et accroître la production nationale pour satisfaire le marché national d’une part et d’autre part commercer à satisfaire une partie du marché extérieur. « Les discussions sont très avancées avec la Chambre d’industrie et de Commerce du Bénin pour arriver à produire en suffisance en qualité et à coût raisonnable, de la viande de volailles pour nos populations. Mais aussi et surtout à en exporter vers le grand voisin et vers les pays du golfe» nous apprend Camille Azomahou.

Par Prudence KPODEKON

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