Bénin : La covid 19 viole violemment les droits des femmes du secteur agricole.
Apparue à Wuhan (Chine) en décembre 2019, la Covid-19 passant d’épidémie à pandémie, s’est rapidement propagée à travers le monde. Perturbant profondément les efforts pour l’émancipation et l’autonomisation des femmes en majorité celles du secteur agricole. Un secteur qui emploie un nombre important de femmes dans la fourniture des intrants, la production, la transformation et la commercialisation des produits agricoles. Il représente au Bénin, 32{e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} du PIB et 70{e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} de la population active vit de l’agriculture.
Par Megan Valère SOSSOU
Nul n’ignore le rôle crucial que jouent les femmes dans l’agriculture béninoise. Elles sont à l’ensemencement, le désherbage, la fertilisation, la récolte, la transformation et de la commercialisation des produits agricoles. En plus de ce travail agricole pénible, elles remplissent également leur rôle de mère, gèrent le foyer et éduquent les enfants.
Des études de la FAO et de l’OCDE ont aussi montré que les femmes gèrent mieux les ressources du ménage et réinvestissent jusqu’à 90{e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} de leur revenu pour répondre aux besoins de leur famille contre 75{e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} pour les hommes.Majoritaire dans le secteur agricole, elles sont durement touchées par les mesures prises pour empêcher la propagation de la Covid-19.
Du cordon sanitaire et des activités des femmes du secteur agricole
Le Bénin à l’instar des autres pays de l’Afrique et du monde entier, dans sa dynamique de contrer le nouveau coronavirus, la Covid 19, a mis en place des mesures allant de la restriction des déplacements à l’intérieur du pays à la fermeture des écoles.
La mise en place du cordon sanitaire aux larges de Allada est l’une des mesures ayant empêchés les femmes de joindre les deux bouts et à plus forte raison de subvenir aux besoins fondamentaux de leurs familles. C’est le cas de dame H. Eugénie, la cinquantaine d’âge et mère de sept enfants résidente dans la commune de Zogbodomey« pendant la Covid-19, je n’ai reçu que ¾ des intrants agricoles dont je bénéficiaire à chaque saison agricole et cela a réduit mon rendement de maïs cette année». A l’en croire, les difficultés liés à la cherté du transport y ont énormément contribué. Comme elle, beaucoup d’autres femmes du secteur sont dans la tristesse.
Dame E. Avanon est productrice d’arachide à Dan, un arrondissement de la commune de Djidja. Elle se désole de subite l’arrêt des formations techniques dans les champs de démonstration pour cause de la pandémie liée à la Covid 19. Elle poursuit « Actuellement nous avons déjà récolté une grande quantité d’arachide. Mais nos véritables clientes (les transformatrices) peinent à acheter». Pour elle, c’est absolument évident que cette situation ait des impacts négatifs sur les revenus arachidiers et sans doute sur la prochaine campagne agricole.
Des femmes du secteur agricole vulnérables à la réduction opportunités économiques
Même son de cloche au niveau des autres acteurs du secteur agricole béninois. La Covid 19 a tout bouleversé. Dame Adjèni, vendeuse des oranges à la gare routière de la ville carrefour du Bénin, Bohicon témoigne « J’ai l’habitude de payer des oranges chez des producteurs de Zakpota pour revendre aux voyageurs sur cette gare. Je gagnais en moyenne 13 000 Fcfa voire 22 000 Fcfa de revenu journalier. Mais pendant le cordon sanitaire mis en place, les activités à la gare se sont arrêtées. Et je me suis retrouvé à la maison. Difficilement je parvenais à donner à mes (05) enfants. A un moment donné nous avons commencé à manger une fois par jour». Une déclaration qui confirme la mise à mal de la sécurité alimentaire.
Dame Agoyi vendeuse de moutarde à la grande gare routière de Bohicon, enceinte de deux mois, témoigne timidement « quand la fonctionnait, j’étais plus occupé à mon activité qui prospérait mais une fois Covid 19 est venu, il n’y a plus de client. Je ne restais qu’à la maison. Je suis tombé enceinte à ma grande surprise alors que je n’avais plus d’économie ». Une situation qui relance la problématique de l’accès des femmes aux différentes méthodes de contraception en République Bénin. Toutes les opportunités économiques étant réduites.
Dans le même temps, les écoles primaires, secondaires et universitaires étaient fermées augmentant ainsi, le contact sexuel entre les jeunes filles et les jeunes hommes, par ricochet les cas de grossesse en milieu scolaire estimé à plus de cinq cent (500) au nombre desquels des enfants d’actrices du secteur agricoles. Que faire pour atténuer ces effets négatifs de la Covid 19 ?
Inclure les femmes pour accélérer la reprise socioéconomique
Si rien ne se fait, selon les données du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) en 2020, environ 60{e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} des femmes qui travaillent dans le secteur agricole et informel risquent de sombrer dans la pauvreté. Alors que pour Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice Exécutive d’ ONU Femmes le leadership des femmes dans la riposte contre la Covid-19 importe énormément constatant la façon dont la pandémie a aggravé l’inégalité entre les sexes.
Que la prise en compte des inégalités liées au genre soit un facteur déterminant dans la conception des programmes d’intervention et de résilience à la Covid-19, l’Association Nationale des Femmes Agricultrices du Bénin, vitrine de l’émancipation des femmes agricultrices du Bénin en est favorable. D’ailleurs, pour y parvenir, M. Germain DOSSOU, Coordonnateur de l’ANaF Bénin explique qu’il est nécessaire de commencer à fournir des intrants productifs directement aux agricultrices, préserver leurs droits à la propriété terrienne sans oublier de les faciliter l’accès au crédit. Cet ensemble de solution pourrait avoir des effets positifs sur leurs résultats économiques et par ricochet à leur autonomisation économique a-t-il ajouté.
Pour rappel, cette pandémie est survenue trois mois après que la communauté internationale s’est réunie en novembre 2019 à Nairobi pour saluer les progrès accomplis en faveur de la santé et des droits des femmes et des filles au cours des 25 dernières années de mise en œuvre du Programme d’actions de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD+25).