Une double pression pour les producteurs
(La stratégie du gouvernement Béninois pour alléger la tâche aux producteurs)
La hausse des prix des engrais à l’échelle mondiale depuis le début de la guerre en Ukraine en 2022 continue de peser lourdement sur les producteurs agricoles, en particulier au Bénin. Après une relative accalmie en 2024, les prix ont enregistré une hausse notable de 11 % au premier trimestre 2025, selon le rapport « Commodity Markets Outlook » publié par la Banque mondiale. Les prix de l’urée, un engrais azoté essentiel, ont bondi de 20 %, ceux du DAP de 5 %, et le chlorure de potassium (MOP) a connu une augmentation de 8 %.
Le rôle clé de la Chine, de la Russie et de l’Égypte dans la crise actuelle
Cette flambée des prix est le résultat d’une demande accrue dans des pays stratégiques tels que le Brésil et l’Inde, couplée à une réduction de l’offre due à des baisses de production et des restrictions à l’exportation. En Égypte, la production d’urée a chuté en raison des difficultés d’approvisionnement en gaz naturel. Parallèlement, la Chine a drastiquement réduit ses exportations d’urée, les limitant de plus de 90 % en 2024, afin de prioriser la production de batteries pour véhicules électriques.
Les sanctions contre la Russie ont également perturbé le commerce des engrais phosphatés. Selon les prévisions de la Banque mondiale, les prix mondiaux des engrais devraient continuer à augmenter de 7 % en 2025 avant de se stabiliser en 2026. L’institution met toutefois en garde contre certains facteurs de risque, tels que le coût des intrants, notamment le gaz naturel et les restrictions persistantes sur les exportations chinoises.
Pour le Bénin, la situation impose des mesures urgentes pour encadrer la distribution des engrais et renforcer les contrôles aux frontières. La sensibilisation des citoyens et la collaboration avec les forces de l’ordre constituent des leviers essentiels pour limiter les détournements et protéger les producteurs locaux.
Pour faire face à cette situation, le gouvernement a non seulement maintenu ses subventions, mais aussi a intensifié les mesures de contrôle afin de garantir que les engrais atteignent effectivement les agriculteurs béninois.
Le cri d’alerte du ministre de l’Agriculture
Dans ce contexte de flambée des prix des engrais, le Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche, Gaston Dossouhoui a exprimé ses inquiétudes concernant le détournement des engrais subventionnés vers les pays voisins. Selon lui, ces intrants sont financés par les impôts des Béninois dans le but de soutenir les producteurs locaux et d’assurer la sécurité alimentaire. « Si l’engrais circule à l’intérieur du Bénin, il n’y a aucun problème. Mais si l’on constate sa présence à 2, 3 ou 5 kilomètres de la frontière, en direction de l’extérieur du pays, il est légitime de s’interroger : Où va cet engrais ? », a-t-il déclaré.
Pour le ministre, les citoyens doivent se montrer vigilants et collaborer avec les forces de l’ordre pour dénoncer toute tentative de sortie illicite des engrais. « L’agriculture est la base de notre économie. Nous devons travailler pour qu’elle soit prospère et qu’elle nourrisse la population », a-t-il insisté, rappelant l’importance de protéger les efforts du gouvernement.
La hausse des prix des engrais à l’échelle mondiale et les préoccupations locales exprimées par le ministre révèlent une double pression pour les producteurs béninois. D’une part, ils doivent faire face à l’augmentation des coûts des intrants, en particulier pour l’urée dont le prix devrait atteindre 390 $ la tonne en 2025. D’autre part, ils sont confrontés à des risques de pénurie dus au détournement des engrais vers les pays voisins, une pratique encouragée par la hausse des prix et le déséquilibre de l’offre.
Justin ADANDE