Pris par tradition, par goût ou pour soulager les nausées, le kaolin d’argile est consommé par de nombreuses femmes enceintes au Bénin. Si certaines y voient une pratique anodine, les professionnels de santé tirent la sonnette d’alarme sur les effets néfastes de cette argile sur la santé des mères et de leurs bébés.

Principalement composé de kaolinite ou de silicate d’aluminium, le kaolin d’argile, aussi appelé kalaba en langue fon, est un produit traditionnellement prisé, notamment par certaines femmes. Son utilisation, transmise de génération en génération, reste courante, en particulier chez les femmes enceintes.
« Les femmes enceintes consomment le kalaba pour éviter les vomissements et la salivation excessive durant la grossesse », explique Antoinette Ahodédé, commerçante de kalaba.
Grâce Sagbohan, sage-femme, précise que cette consommation est souvent liée à un trouble du comportement alimentaire caractérisé par l’ingestion durable (plus d’un mois) de substances non nutritives et non comestibles. D’autres femmes y recourent simplement par habitude culturelle.
« Le kalaba, je le connais depuis mon jeune âge. Je l’aimais beaucoup, surtout pour son goût et son odeur. Quand je n’étais pas enceinte, j’en consommais régulièrement. Parfois même, je le grillais avant de le manger », confie Hermine N’dah, une consommatrice régulière.
Mais derrière cette argile friable et blanchâtre, en apparence inoffensive, se cache un véritable danger pour la santé maternelle et infantile.
Des conséquences préoccupantes
Le kaolin inhibe l’absorption du fer, ce qui peut entraîner des anémies sévères chez la femme enceinte.
« La femme est doublement exposée, car elle porte une vie. Les carences causées par la consommation de kaolin peuvent nuire au développement du fœtus, provoquer une fatigue intense, voire des fausses couches », témoigne Bernadette Saïzonnou, qui en a fait l’amère expérience.
La sage-femme Grace Sagbohan ajoute : « La consommation excessive de kalaba peut entraîner des constipations et des troubles digestifs chez la mère. Il peut aussi contenir des métaux lourds comme le plomb, extrêmement nocifs pour le développement cérébral du fœtus. » Ce dernier risque également un retard de croissance intra-utérin, lié au manque de nutriments essentiels.
Des alternatives saines existent
Face à cette pratique profondément enracinée dans les habitudes culturelles, plusieurs solutions peuvent être envisagées. Grâce Sagbohan en propose quelques-unes : « Pour calmer les nausées et les vomissements, les femmes enceintes peuvent consommer de l’eau citronnée, du gingembre, des fruits, des légumes ou du yaourt. En cas d’envie de mâcher ou de croquer, les fruits secs sont une bonne alternative. »
Bernadette recommande, quant à elle, de remplacer le kalaba par des cure-dents amers, souvent disponibles chez les vendeuses de plantes médicinales. Il est aussi important d’offrir un accompagnement psychologique aux femmes ayant développé une dépendance au kaolin.
Le kaolin d’argile, aussi banal qu’il puisse paraître dans l’imaginaire collectif, représente un véritable danger pour la femme enceinte et son bébé. Il est temps de changer les perceptions : cette consommation ne doit plus être vue comme une simple envie de grossesse, mais comme un risque de santé à prendre au sérieux. Comprendre, encadrer et proposer des alternatives sûres, tel est le chemin vers une maternité plus saine.
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Innocent AGBOESSI