LAGUNE TOHO-TODOUGBA ET LAC TOGBADJI : Les rapports d’étude bio-écologiques et physico-chimiques présentés et validés.
(Un plan d’eau moins en danger que l’autre)
En 2019, la production halieutique au Bénin est estimée à 89 907 tonnes face à un besoin évalué à 202 000 tonnes. Pour satisfaire ce dernier, le pays a opté pour l’importation massive des poissons congelés. Dans un tel contexte d’énorme déficit, une étude a été diligentée sur les paramètres bioécologiques et physico-chimiques de certains plans d’eau pour le développement de l’aquaculture. Elle a pris en compte le complexe lagunaire Toho-Toudougba et le lac Togbadji. Ayant duré plus d’un an, cette étude a abouti à des résultats concrets qui ont fait objet de présentation ce mercredi 15 mai 2024 à l’ATDA du pôle 7 en présence de plusieurs acteurs de cette filière.
Jean-Baptiste HONTONNOU
Pour compenser ce déficit en production aquacole, le gouvernement béninois, à travers le PNDFA, a pensé faire la promotion des infrastructures. Vu que l’on ne peut pas faire des infrastructures sans examiner la production, le besoin de diligenter des études s’est fait ressentir. Et ce, pour voir l’aspect surtout environnemental qui pourrait permettre de faire une production intensive des espèces aquacoles et aussi pour minimiser les pertes des investissements dans ce domaine. Commanditée par l’Agence territoriale de Développement Agricole du Pôle 7 (ATDA7), cette étude a eu pour vision de caractériser ces différents milieux pisci-cultivables (la lagune Toho-Toudougba et le lac Togbadji) pour que les informations scientifiques qui en sortiront puissent être des outils d’aide à la prise de décision pour les fermiers et les exploitants agricoles. Dirigée en main de maître par des experts consultants du domaine, cette étude s’achève sur une note de satisfaction, car elle présente des données scientifiques attendues et bien fournies.
La lagune Toho-Toudougba en « danger critique »
D’abord, il faut dire que le complexe Toho-Todougba représente une portion importante des lagunes anciennes (lagune à cinq doigts) et située au cœur du site Ramsar 1017. Un traking effectué en février 2019 a montré que le complexe a une superficie de 914,25 ha. En période de haute eau, sa superficie s’élargie et inonde les végétations et les plantations de palmier à huile environnantes. A la suite des travaux de construction du pont de Godomey, le complexe lagunaire ne communique plus avec le lac Nokoué. Il est donc devenu un écosystème encaissé alimenté exclusivement par les eaux de pluie et de ruissellement. Le climat de la zone est caractérisé par deux saisons de pluie et une grande saison sèche avec une pluviométrie annuelle variant entre 936 et 1200 mm/an.
Alors, dans le cadre de cette étude, il a été découvert qu’au niveau du complexe lagunaire, la situation est alarmante. « Au regard des pressions anthropiques à travers les activités qui se mènent sur ce plan d’eau telles que la production végétale, le maraîchage, la pisciculture, la pêche, le tourisme etc, on a constaté que le complexe est en danger critique », a affirmé Hyppolite Agadjihouede, Professeur en Hydrobiologie et Aquaculture. De façon concrète, il en ressort de l’étude que sur le plan physico-chimique, le lac possède une faible protection naturelle contre l’acidification et les dépôts acides sont marqués du mois de janvier au mois de mars, c’est-à-dire qu’il y a une matière organique dans le plan d’eau. Aussi, y a-t-il une présence de métaux sous une forme ionique plus toxique.
Egalement, les résultats révèlent que la minéralisation et la toxicité constatées au niveau de cette langue causent « une décomposition de la matière organique : aquaculture et apports terricoles en engrais chimique, la pollution vis-à-vis de ces paramètres, dommage à la vie aquatique et un risque d’eutrophisation, c’est-à-dire, le lessivage des champs et cultures maraîchères ». Parlant de l’état trophique du complexe, l’Expert consultant Thierry Agblonon affirme que : « les paramètres singuliers tels que le phosphore total, la chlorophyle-a et la transparence indiquent un écosystème hyper-eutrophique »
En un mot, le complexe Toho-Todougba s’est envasé, l’écosystème est peu profond et enfermé, La vase s’est remise en suspension et contient de la matière organique.
Qu’en est-il du lac Togbadji ?
Moins en danger que le premier, l’étude a prouvé que ce plan d’eau se porte plutôt mieux. Ce lac a un écosystème peu perturbé. Il dispose de 87 espèces de phytoplancton et le phosphore total n’a que peu d’effet sur le développement de ces dernières. C’est donc au regard de ces points positifs et bien d’autres que l’Expert consultant Thierry Agblonon estime que « le résultat est satisfaisant ». « On peut dire qu’à la lumière de ce qui a été collecté comme données, le lac est dans un état acceptable. La qualité de l’eau est bonne. On pourrait dire qu’il a la capacité d’accueillir d’autres activités et d’autres d’aménagement », a-t-il ajouté. Ceci dit, il faut faire un aménagement intégré pour savoir les types d’activités qui peuvent être développées autour du lac.
Quelques recommandations
Pour le Professeur Hyppolite Agadjihouede « il serait bien de sensibiliser la population, surtout les pisciculteurs dans le but de pouvoir développer l’aquaculture avec des infrastructures hors plan d’eau ». Et ce, surtout en ce qui concerne la lagune Toho-Todougba. Egalement, vu l’état critique de cette dernière, l’étude préconise d’ouvrir l’écosystème sur les autres lagunes anciennes, organiser les resting-times sur l’écosystème, procéder à la bioremédiation du système, gérer efficace les déchets et les eaux usées, aménager de façon durable et intégrée le bassin.
Du côté du lac Togbadji, il a été recommandé de déterminer la capacité de charge aquacole du plan d’eau et de procéder à la bioremédiation du système. De même, ce lac demande une gestion efficace des déchets et des eaux usées ainsi qu’aménagement durable et intégré du bassin.
Pour finir, lors de la séance de présentation de ces résultats, des critiques et observations ont été faites tant sur le contenu que la forme des documents. L’équipe de recherche a donc promis d’intégrer ces remarques et recommandations afin de rendre le travail final dans un délai raisonnable.