L’élevage porcin constitue un secteur à fort potentiel économique au Bénin, avec une capacité de création d’emplois significative. Alors que la demande annuelle en viande de porc est estimée à près de 80 000 tonnes, la production locale ne parvient à en couvrir que 14 000 tonnes.
Professeur Jean-Claude CODJIA, Président de la Fédération des Sociétés Coopératives pour la Promotion de la Filière Porcine au Bénin (FéCoFiPoB), fait le point sur l’état actuel de la filière porcine, les réformes en cours, les ambitions du programme et les leviers à activer pour un développement durable de ce secteur stratégique dans cet entretien.
Comment se porte actuellement la filière porcine au Bénin, en termes de production, de transformation et de commercialisation ?
La filière porcine se porte très mal. C’est pour cette raison que nous nous sommes organisés en coopérative et en fédération, afin de créer une synergie entre les différents acteurs : le gouvernement, la FAO et bien d’autres. L’objectif est de décrypter les points de faiblesse et de partager les connaissances pour, ensemble, trouver des solutions. Aujourd’hui, nous venons de lancer un projet qui permettra de résoudre plusieurs problèmes. Certes, les défis sont nombreux, mais nous comptons les relever progressivement.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les acteurs de la filière ?
Le principal problème, à l’échelle nationale, est que la majorité des éleveurs sont des amateurs. Notre ambition est de leur transmettre les compétences nécessaires pour qu’ils deviennent des professionnels. Cela inclut les bases de la porciculture à savoir : l’alimentation, le choix des races, la prophylaxie médicale et sanitaire, la gestion d’une ferme porcine, entre autres. C’est cette initiative qui apportera une véritable plus-value à nos éleveurs.
Par ailleurs, nous sommes également confrontés à un autre problème majeur : la gestion des déjections de porc, communément appelées lisiers. Pour réduire l’impact environnemental de la production porcine, nous avons décidé de valoriser ces déchets en les transformant en biogaz. Ce biogaz pourrait être utilisé pour les activités domestiques, telles que l’éclairage et la cuisson.
De plus, les résidus issus de la production de biogaz peuvent être utilisés comme fertilisants dans les systèmes agroforestiers, les jardins et les plantations. Ainsi, nous pourrions aussi encourager l’agriculture biologique, ce qui constitue un véritable défi. La porciculture est un secteur vaste et porteur. Le porc est la viande la plus consommée au monde. L’élevage porcin pourrait devenir une source d’emplois pour les jeunes et les femmes, car le porc est un animal dont toutes les parties sont valorisées. Il ne s’agit pas seulement de la viande, mais également des autres produits issus du porc, utilisés en pharmacie, en cosmétique et dans d’autres secteurs.
Cependant, le secteur de la transformation reste limité. Actuellement, la transformation de la viande de porc au Bénin se résume principalement à la viande braisée, vendue au bord des routes. Or, il existe bien d’autres possibilités de transformation, et c’est là que nous devons concentrer nos efforts.
Quels sont les principaux blocages à la création de synergies entre éleveurs et transformateurs ?
Malheureusement, il n’y a pas encore de synergie entre les producteurs et les transformateurs. Parce que nous sommes confrontés à un problème. En effet, certains transformateurs préfèrent acheter des animaux au Nigeria à des prix inférieurs en raison de la chute du Naira, ce qui crée une concurrence déloyale et met en péril nos éleveurs locaux.
Cette pratique pose également un problème sanitaire, car les animaux importés peuvent être porteurs de maladies, comme la peste porcine, pour laquelle il n’existe ni vaccin ni remède. Cela constitue une menace réelle pour notre cheptel.
La synergie entre les transformateurs et les éleveurs, nous allons rechercher ça progressivement. C’est une question de volonté.
Pourtant, nous, à la FéCoFiPoB, nous avons la volonté de collaborer avec les transformateurs. Malheureusement, cette volonté n’est pas encore partagée par tous. Nous espérons que cela changera progressivement.
Quel pourrait être l’apport de ce projet pour améliorer la filière porcine et comment envisagez-vous son avenir au Bénin ?
Le projet TCP BEN 4020 de la FAO, soutenu par le gouvernement béninois, est un excellent exemple de ce que la coopération peut apporter. Ce projet comporte deux volets : le renforcement des capacités des éleveurs. Il s’agira de former des producteurs professionnels, compétents dans divers domaines tels que la sélection des races, l’alimentation et la prophylaxie sanitaire. Le deuxième volet est la réduction de l’impact environnemental. Il sera question d’installer des biodigesteurs pour la production de biogaz à partir des déjections porcines.
Dans les 77 communes du Bénin, il y a des éleveurs de porc. Mais pour que ce secteur prospère, il faut qu’ils s’organisent en coopérative. Seul, un éleveur ne pourra pas faire grand-chose. Quant aux transformateurs, nous les invitons à venir vers nous. Nous avons déjà tenté plusieurs fois de les approcher, mais sans succès. Nous sommes donc ouverts à toute discussion pour trouver des solutions qui profiteront à tous.
La consommation de porc au Bénin est très élevée, mais notre capacité de production reste faible. La consommation de porc au Bénin est très élevée. La demande est estimée à près de 80 000 tonnes par an, alors qu’actuellement, nous ne parvenons à satisfaire que 14 000 tonnes.
Lire aussi : Programme ACMA3 : Des avancées significatives après deux années d’interventions et de nouvelles perspectives 2025
Réalisé par Justin ADANDE