Les professionnels du port de pêche artisanale de Cotonou tirent la sonnette d’alarme
Au port de pêche artisanale de Cotonou, l’activité bat son plein. Mais, derrière l’effervescence des allers-retours des pirogues, se cache une réalité amère qui persiste depuis des années : la pêche illicite en mer. Cette dernière menace non seulement les ressources halieutiques, mais aussi l’équilibre économique de milliers de familles vivant de cette activité.
Ils viennent des eaux douces, du Nigeria pour la plupart et des régions voisines, attirés par les promesses de l’océan béninois. Ces pêcheurs sans autorisation se mêlent aux professionnels du port de Cotonou, jetant des moustiquaires, des filets à mailles très fines et d’autres engins prohibés dans des zones réglementées. « Depuis l’arrivée de ces pêcheurs, il n’y a plus de poissons frais dans le marché et c’est décourageant pour les pêcheurs du port » a confié Dossa Kouassi Dhossou, président de APEMAA) Cotonou, agacé par la situation. Il ajoute que malgré la loi cadre 2014-19 du 07 août 2014 et les décrets d’application, ce fléau persiste.
Ce qui implique de lourdes conséquences, telles que la diminution du tonnage de poissons, la cherté dans les marchés et malheureusement la disparition de certaines espèces de poissons.
Un climat de tension et d’insécurité
La présence de ces pêcheurs non réglementés ne cause pas seulement des pertes de poissons. Plusieurs pêcheurs dénoncent des cas de vols de moteurs, de filets arrachés, voire d’agressions physiques en plein océan. Par ailleurs, les mareyeuses, chaînon souvent invisible, mais essentiel de l’économie halieutique, souffrent elles aussi. Avec la rareté des poissons, elles peinent à s’approvisionner et à rembourser les crédits contractés auprès des institutions de micro-finance. « Les poissons sont devenus si rares que les pêcheurs peuvent passer dix jours en mer avant de revenir, parfois même bredouilles », se lamente Véronica Bognon, mareyeuse active sur le port depuis plus d’une décennie.
Face à cette situation, les acteurs du secteur dénoncent le manque criant de moyens pour faire respecter les règles. Les contrôles sont sporadiques, les patrouilles maritimes quasi inexistantes, et les sanctions souvent tardives ou peu dissuasives.
Un appel pressant à l’État béninois
Malgré la gravité de la situation, les professionnels ne baissent pas les bras. Ils appellent à une réaction forte des autorités. « Nous avons besoin de l’aide du gouvernement. Nous n’avons que la pêche comme activité principale. Si le gouvernement connaissait vraiment l’importance de ce secteur, il aurait déjà mis fin aux agissements des “toffins” », insiste Norbert Gozo, pêcheur et vice-président du SYPEMA. Il avoue même envisager d’abandonner la pêche, une activité pourtant transmise de génération en génération.
Ce cri d’alarme est d’autant plus pressant que le port de pêche artisanale de Cotonou est bien plus qu’un simple centre d’activité économique. Il s’agit d’un lieu de vie, d’échanges culturels et de transmission de savoir-faire. Des générations entières y ont grandi, entre l’odeur du poisson frais, le bruit des moteurs et les récits d’anciens pêcheurs. Mais aujourd’hui, ce pan du patrimoine économique et social béninois est menacé. Si rien n’est fait pour réguler efficacement l’accès aux zones de pêche, renforcer les contrôles et protéger les acteurs locaux, c’est toute une communauté qui risque de sombrer dans la précarité.
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Maëlle ANATO