RÉFORME FONCIÈRE : L’Afrique du Sud sous la menace de Washington

La promulgation d’une loi permettant l’expropriation foncière sans compensation en Afrique du Sud suscite une réaction virulente des États-Unis. Le président Donald Trump menace de suspendre l’aide américaine, dénonçant une « violation des droits humains ».

 

Le 23 janvier 2025, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a signé une loi historique autorisant l’expropriation foncière sans compensation. Ce texte marque un tournant dans l’histoire du pays, où la répartition des terres demeure profondément inégalitaire depuis la fin officielle de l’apartheid en 1994. Aujourd’hui, alors que 81 % de la population sud-africaine est noire, elle ne possède que 4 % des terres agricoles, tandis que la minorité blanche, représentant 8 % des habitants, en détient encore 72 %.

Face à cet héritage colonial persistant, le gouvernement a décidé d’accélérer la redistribution des terres. La nouvelle loi remplace celle de 1975 et permet aux autorités locales, provinciales et nationales de procéder à des expropriations dans l’intérêt public, notamment pour favoriser l’inclusion sociale et un accès plus équitable aux ressources naturelles. Toutefois, Pretoria insiste sur le fait que ces expropriations ne seront ni arbitraires ni brutales. « L’État devra toujours rechercher une solution amiable avant d’envisager une expropriation », a précisé un porte-parole du gouvernement.

Une opposition virulente de Washington

L’on constate que cette réforme foncière ne passe pas aux États-Unis. Le 2 février, le président américain Donald Trump a dénoncé cette loi comme une « violation des droits de l’homme » et a menacé de suspendre toute aide américaine à l’Afrique du Sud. Sur son réseau social « Truth Social », il a critiqué les « expropriations injustes » et le « traitement inacceptable » de certaines catégories de propriétaires terriens.

Trump a durci le ton en affirmant que Washington ne resterait pas passif : « Je suspendrai tout financement à l’Afrique du Sud tant qu’une enquête complète n’aura pas été menée. » Ce n’est pas la première fois que le président américain s’exprime sur la question foncière en Afrique du Sud. En 2018, il avait déjà relayé de fausses informations affirmant qu’un massacre de fermiers blancs était en cours dans le pays, provoquant une vive réaction de Pretoria qui avait réfuté ces accusations.

Il faut noter que l’Afrique du Sud entretient des relations économiques solides avec les États-Unis. En 2023, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 21 milliards de dollars, et entre 2004 et 2022, Pretoria a bénéficié de plus de 7,25 milliards de dollars d’aides américaines via des programmes comme le PEPFAR (lutte contre le sida) et l’USAID (développement économique et social).

Mais cette coopération est désormais fragilisée. Outre la question foncière, un autre sujet de discorde se profile : le projet des BRICS de créer une monnaie alternative au dollar. Trump a récemment menacé d’augmenter les droits de douane pour les pays membres du groupe s’ils réduisaient leur dépendance au billet vert.

Dans ce contexte, Cyril Ramaphosa se retrouve face à un défi majeur : mener à bien une réforme foncière cruciale pour son pays sans compromettre un partenariat économique stratégique.  Il devra naviguer habilement entre souveraineté nationale et pression internationale.

 

Lire aussi : La Banque mondiale évalue les avancées des projets 

Innocent AGBOESSI

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