Les jeunes révolutionnent le monde agricole
Au Bénin, des jeunes agriculteurs utilisent les réseaux sociaux comme de véritables outils de croissance. Ces plateformes deviennent des marchés agricoles, des lieux de formation et des moyens pour mieux vendre et gagner plus, dans un contexte où les services agricoles publics restent limités.
Une étude révélatrice sur l’usage agricole des réseaux sociaux
En effet, le 10 septembre 2025, une étude réalisée par Caribou avec la Fondation Mastercard a révélé une nouvelle réalité : des millions de jeunes agriculteurs en Afrique de l’Ouest, notamment au Bénin, transforment les réseaux sociaux en outils de croissance. Ces espaces numériques, conçus pour la communication, deviennent aujourd’hui essentiels pour produire mieux, vendre plus et apprendre entre agriculteurs.
L’agriculture béninoise face à des services publics limités
Ainsi, au Bénin, l’agriculture emploie 28 % de la main-d’œuvre nationale et nourrit plus de 70 % des familles rurales. Pourtant, seulement 23 % des agriculteurs bénéficient des services publics de conseil agricole. Face à ce manque, les jeunes se tournent vers les réseaux sociaux. C’est ainsi que WhatsApp est utilisé pour partager les prix du marché et identifier les acheteurs fiables. Ensuite, Facebook sert de vitrine pour exposer les produits et attirer des clients. TikTok est utilisé pour publier des vidéos qui expliquent des techniques agricoles simples. Pour finir, Instagram valorise les produits avec des images de qualité, attirant des consommateurs urbains et même internationaux.
Selon l’étude, 2,4 millions de Béninois utilisent aujourd’hui les réseaux sociaux, soit 16,4 % de la population. Près d’un quart d’entre eux les emploient déjà pour l’agriculture. Dans un pays où seulement 11 % des zones rurales ont accès à l’électricité et où 86 % des adultes n’ont pas de compte bancaire, cette innovation numérique est une véritable solution. Grâce à ces plateformes, des producteurs vendent à de meilleurs prix, atteignent de nouveaux clients et reçoivent des paiements par mobile money.
Inclusion et solidarité numérique au cœur des communautés
Les réseaux sociaux favorisent aussi l’inclusion. De plus, au Bénin, des groupes de femmes appelés « DigiQueen » s’organisent pour acheter ensemble des téléphones, payer les forfaits internet et apprendre entre elles. En Côte d’Ivoire, certaines coopératives utilisent les notes vocales WhatsApp en langues locales pour inclure des membres peu alphabétisées. Ces initiatives montrent que les réseaux sociaux deviennent des outils de croissance accessibles et utiles même aux populations les plus fragiles.
Le rapport souligne des inégalités. Le coût de 1 Go de données au Bénin représente 5,7 % du revenu mensuel par habitant, contre 1,5 % en Côte d’Ivoire. Les femmes ont 19 % de chances en moins d’utiliser internet mobile que les hommes. Ces chiffres rappellent que beaucoup restent encore exclus de cette révolution numérique.
Des recommandations pour renforcer l’impact du numérique agricole
Les recommandations de l’étude sont claires. En outre, les gouvernements doivent reconnaître et soutenir ces pratiques numériques. Les organisations de développement doivent former les agriculteurs directement sur les plateformes qu’ils utilisent déjà. Les entreprises de technologies doivent intégrer des solutions comme le mobile money pour sécuriser les transactions. Les investisseurs doivent améliorer la connexion internet dans les zones rurales.
Des témoignages concrets illustrent ces changements. Ainsi, à Parakou, Al-Djanantou Seydou, entrepreneure du soja, utilise Facebook et WhatsApp pour vendre ses produits et partager des recettes contre la malnutrition. À Biro, Maximilien Gnantonou veut associer ses cultures de riz et maïs avec une communication numérique afin d’atteindre de nouveaux marchés. À Natitingou, Diane Tchoroue et son collectif de femmes transforment le soja en fromage et utilisent WhatsApp pour recevoir des commandes et stabiliser leurs revenus.
Selon Charlene Migwe, directrice de programme chez Caribou, « l’agriculture sociale est menée par les jeunes et les femmes qui réinventent un avenir agricole soutenu par le numérique et riche en potentiel ». Pour Eunice Muthengi, directrice intérimaire à la Fondation Mastercard, « le potentiel est immense et pourrait transformer les communautés avec les bons outils et le bon accompagnement ».
Cette transformation montre que les réseaux sociaux ne sont plus seulement des espaces de loisirs. Ils deviennent des outils de croissance pour des milliers de jeunes agriculteurs au Bénin. En reliant tradition et innovation, ces pratiques ouvrent la voie à une agriculture inclusive, moderne et connectée.
Innocent AGBOESSI