Une alternative incontestée à l’élevage intensif émetteur du GES
La viande artificielle, ou viande cultivée, quitte déjà les laboratoires et fait ces premières apparitions dans les assiettes. Produite à partir de cellules animales, sans abattage, elle promet de sauver la planète, les animaux et la santé. Mais peut-elle vraiment tenir ses promesses ?
La viande artificielle ou la viande in vitro, c’est une viande fabriquée dans un laboratoire, un peu comme une plante que l’on fait pousser dans un pot. Les scientifiques prennent une toute petite partie d’un animal, comme une minuscule graine appelée cellule. Ces cellules sont ensuite placées dans un liquide nutritif : glucose, acides aminés, vitamines, minéraux. Le tout dans un bioréacteur, une sorte d’incubateur géant. En quelques semaines, les cellules deviennent du muscle. La viande est prête.
L’idée a germé dès 1931, avec Winston Churchill. Mais c’est en 2013 que le premier steak cultivé voit le jour, à l’université de Maastricht, aux Pays-Bas. Prix de lancement : 250 000 euros. Une prouesse financée par Sergey Brin, cofondateur de Google. Depuis, les coûts chutent, les techniques s’affinent, et les projets se multiplient. Selon le rapport 2023 de l’École de Guerre Économique, plus de 150 startups développent ce type de viande dans le monde.
Pourquoi miser sur cette innovation ?
C’est pour répondre à une urgence. L’élevage intensif pollue. Il émet près de 14,5 % des gaz à effet de serre mondiaux selon la FAO. Il consomme 70 % des terres agricoles. Et il impose l’abattage de plus de 70 milliards d’animaux chaque année.
La viande cultivée propose une solution. Pas d’abattage. Moins d’émissions. Moins de consommation d’eau. D’après une étude des universités d’Oxford et d’Amsterdam, la production pourrait réduire jusqu’à 96 % les gaz à effet de serre et utiliser 99 % de terres en moins.
Mais cette viande, est-elle vraiment sûre pour la santé ?
Selon le Muséum national d’Histoire naturelle, la viande artificielle contient les mêmes protéines animales que la viande classique. Même goût, même composition, pas d’OGM, pas de transformation chimique lourde. De ce point de vue, aucun danger détecté d’après plusieurs sources.
Mais plusieurs voix appellent à la prudence. L’ONG Les Amis de la Terre et le site Lesillon.info pointent du doigt l’utilisation de facteurs de croissance, nécessaires pour stimuler la prolifération des cellules. Certaines substances sont d’origine animale, comme le sérum fœtal bovin, ou peuvent être synthétiques. Leur usage, s’il est mal maîtrisé, pourrait exposer à des effets secondaires inconnus.
L’INRAE rappelle que la cuisson élimine la majorité des risques, mais regrette le manque d’études à long terme. À ce jour, aucun scandale sanitaire, mais pas encore assez de recul pour une évaluation complète. La viande artificielle reste sous surveillance.
Testée à Singapour ou en Israël, elle séduit. Des chefs cuisiniers l’intègrent à leurs menus. Mais son prix reste élevé. En Europe, la commercialisation attend encore le feu vert des autorités sanitaires.
Pour devenir une solution durable, la viande artificielle devra répondre à trois conditions : baisser ses coûts, prouver sa sécurité sanitaire et rassurer les consommateurs.
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Innocent AGBOESSI