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1er groupe de presse agricole en Afrique de l’Ouest

CONFLIT HOMME-FAUNE AU BÉNIN : « Nous avons atteint un niveau de conscience collective…», Éric Hermann

 CONFLIT HOMME-FAUNE AU BÉNIN : « Nous avons atteint un niveau de conscience collective…», Éric Hermann

Il est très récurrent de constater que la cohabitation entre les animaux de la forêt et les hommes n’est souvent pas amicale. Considérée comme un frein pour la conservation des espèces en voie de disparition, cette guéguerre homme-animal s’explique par plusieurs raisons et il existe des méthodes pour la contrer. C’est ce que nous développe Éric Hermann, Directeur du Reporting et du financement au Parc national de la Pendjari.

Quelle conception avez-vous du conflit homme-faune ?

Le conflit homme-faune est toute situation qui met en lutte, comme le nom l’indique, la faune et l’homme. Et cela arrive fréquemment, car il n’y a pas zéro conflit. En dépit des mesures de prévention et des mesures curatives que nous appliquons, il arrive que cela se déroule et nous avons un protocole clair que nous exécutons pour mitiger ces conflits.

Avez-vous déjà été témoin d’un conflit entre l’homme et un animal ?

Oui bien sûr ! Les cas récurrents sont lorsque l’éléphant sort des limites du parc pour aller du côté du terroir et se rue vers les cultures des populations. Ce sont ces cas que nous observons. Mais la cohabitation est toutefois pacifique avec les communautés qui sont assez sensibilisées et qui adhèrent à la politique de gestion. Ils sont aussi mobilisés pour répondre à cette cohabitation réciproque qui contribue au développement de la faune et ses habitants.

Selon vous, quelles sont les principales raisons qui génèrent ces conflits ?

Je vais prendre l’exemple de l’éléphant qui est un cas récurrent (il y a aussi les cas de l’hyène ou du lion qui va dévorer le bétail ou les petits ruminants des pasteurs). Il arrive que l’éléphant, à la recherche d’un point d’eau ou de son alimentation, sorte des limites et avec la proximité des champs, se retrouve sur une exploitation agricole. De ce fait, une fois qu’il a traversé cette exploitation, il y a des dégâts. Quand ces cas arrivent, nous faisons le constat et le protocole de compensation existe, ce que nous appliquons convenablement. Ce qui fait que la cohabitation est toujours pacifique entre les gestionnaires et les communautés.

Est-ce qu’il y a des attaques entre les animaux et les hommes qui surviennent dans ces cas ?

Je vous dis exclusivement non. Nous avons heureusement atteint un niveau de conscience collective et d’éveil chez les populations. Il n’arrive pas que les populations attaquent directement l’éléphant. Si quelqu’un le fait, ce dernier doit être un braconnier qui est sorti de nulle part. Ça ne peut pas être un habitant de la communauté. Les communautés sont suffisamment acquises à la conservation des espèces. Elles savent de quoi il s’agit et l’intérêt qu’il y a de conserver ces animaux. Donc, les producteurs n’attaquent pas les animaux parce qu’ils ont détruit leurs champs. Nous ne sommes plus à ce niveau. Le mécanisme connu des populations est qu’elle exprime la plainte et nous autres la gérons convenablement. Les mesures de compensation sont mises en place.

Quelles sont, de façon précise, ces mesures mises en place pour restreindre les conflits entre les hommes et la faune ?

Les mesures sont multiples. Il faut les avoir de façon intégrée pour atteindre la solution ou pour que le résultat soit atteint. C’est d’abord la sensibilisation. Comme je le disais tantôt, elle est très importante parce qu’il faut rehausser le niveau de conscience. Il faut que les populations soient conscientes de l’importance, de l’intérêt qu’elles ont à conserver et à appuyer le mécanisme de conservation. Ensuite, il y a la ligne de clôture qui est la clôture du parc et qui est une barrière qui va empêcher la progression de l’animal vers le terroir, c’est à dire vers le village. Il y a la multiplication des points d’eau, la disponibilité de forage qu’il faut assurer parce que c’est à la recherche de l’eau et d’alimentation que l’animal va transgresser les limites pour se retrouver sur le terroir. La stratégie est de multiplier ces points d’eau, s’assurer que l’animal a son alimentation sinon elle va toujours progresser. Donc, nous travaillons dans ce sens en même temps que nous sensibilisons. Ce sont les mesures préventives. Nous mettons aussi en place des mesures curatives, c’est-à-dire, lorsque qu’on a pris toutes les mesures préventives et que cela arrive, comment on gère ? Il y a un mécanisme de gestion de plainte qu’on va actionner et qui va permettre d’assurer la cohabitation pacifique et que chacun reste dans ses droits.

Quelles sont les défis majeurs liés à cette gestion ?

Le défi majeur est de pouvoir faire en sorte qu’on n’actionne pas la méthode curative et que la méthode préventive arrive à régler définitivement le problème et ce que nous prévenons. Il y a moins de conflit et cela va participer à pérenniser la cohabitation pacifique. Il y a la conscience collective qu’il faut continuer de maintenir. On a atteint un niveau et il faut qu’on progresse. C’est l’un des défis. Il faut qu’on maintienne la garde et que cette conscience, au lieu de régresser, progresse pour satisfaire les attentes en termes de conservation. D’un autre côté, il est extrêmement complexe d’avoir zéro conflit. Donc, le défi demeure toujours. Nous devons faire en sorte qu’il n’y ait plus de conflit et comment ? Cela veut dire que nous mettons toutes les solutions en jeu et pour que ces solutions puissent fonctionner, c’est assez complexe. Dans ce cas, la contribution des populations est essentielle. On doit amener tout le monde à contribuer. Et pour réussir, il y a l’éducation qui reste un des défis majeurs parce que nos jeunes enfants sont ceux là qui vont prendre la relève et s’ils n’ont pas cette conscience ou ne savent pas de quoi il s’agit, cette information ne va pas être durable. Donc le défi est de travailler à ce que les jeunes dans les écoles et dans les collèges soient familiarisés aux choses de l’environnement et à leur conservation.

Quel est le rôle que les autorités peuvent jouer dans la restriction des conflits ?

C’est notre rôle et c’est ce que nous faisons déjà. L’essentiel est que les actions soient coordonnées. Les autorités au niveau local jouent un rôle clé parce que ce sont ces autorités qui vont représenter les populations en quelques sortes. Alors, si une stratégie est développée, ces autorités doivent pouvoir donner leur avis, donner leur contribution, dire ce qu’elles pensent de cela pour que la responsabilité soit collégiale, pour que la solution ne vienne pas forcément de nous mais qu’elle vienne aussi de celui à qui on veut donner la solution et c’est comme ça on s’assure que cela est durable. Donc, ces autorités contribuent et à ce niveau, les autres ONG qui interviennent tant dans le secteur agricole comme environnemental doivent pouvoir donner leur position. Ce qu’on va analyser et retenir celle qui est optimale. Cela permet donc de s’assurer que nous avons tous déterminé la solution ensemble et que son application ensemble est facile. Si nous seuls donnons la solution, les autorités locales ne vont peut-être pas comprendre. Sinon, elles même qui vivent la chose sont plus conscientes et sont même capables de donner la solution plus que nous les gestionnaires. Et c’est là l’importance de ne pas rester cloîtré mais s’associer tout le monde et c’est ce que nous faisons.

Votre mot de fin !

Je voudrais d’abord vous remercier, vous les hommes de médias, en tant que vecteur de communication. Et si on parle de sensibilisation, cela ne passe que par vous. Vous avez un rôle essentiel à jouer. Vous êtes donc des personnes ressources, vous êtes l’outil qui va multiplier cette force de communication et va permettre d’atteindre toute la grande masse. L’appel que j’ai à lancer à tous les béninois est qu’il est urgent d’agir pour l’environnement et chacun doit se doter d’une conscience pour qu’on y arrive. Si vous ne faites pas le geste qu’il faut et c’est seulement une partie qui le fait, ce serait voué à l’échec. L’objectif est que tout le monde fasse le geste collectif, que tout le monde soit conscient de cette urgence que nous avons d’agir pour mitiger les changements climatiques et pour conserver les espèces. Nous avons cette lourde responsabilité et il faut qu’on y arrive.

Propos recueillis et transcrits par Jean-Baptiste HONTONNOU

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