MAKOSSO ALLAVO A PROPOS DE SA THÈSE DE DOCTORAT SUR LE SOJA : « Nous avons trouvé d’autres techniques pour accompagner la transformation de ce produit »
En décembre 2024, Makosso Allavo accédait au grade de Docteur en Sciences et Technologies agro-alimentaires. Pour mieux approfondir sa thèse qui a porté sur la transformation et la conservation du Amonsoja, votre journal vous propose de découvrir en détails la quintessence des résultats de sa recherche.
Dites-nous, selon vous, quelles sont les principales caractéristiques nutritionnelles et organoleptiques du Amonsoja qui le rendent unique ?
Le Amonsoja, qui est communément appelé fromage de soja, est l’un des produits les plus consommés aujourd’hui au Bénin. Lorsque nous prenons le Amonsoja, c’est un produit riche en protéines parce que le soja est très riche en protéines végétales et cette source de protéines que nous retrouvons au niveau du Amonsoja est vraiment la première qualité nutritionnelle de ce produit sur lequel nous avons vraiment travaillé.
Quels sont les défis actuels que vous avez identifiés dans le processus de production du Amonsoja au Bénin ?
Nous avons identifié deux grands défis. Le premier défi est le défi lié à tout ce qui est texture et ayant un lien surtout avec les facteurs anti-nutritionnels. Qu’est-ce qu’un facteur anti-nutritionnel ? C’est un composé qu’on retrouve naturellement dans un produit agricole qui empêche celui qui consomme cette matière première agricole de bénéficier de toute la richesse nutritionnelle de ce produit-là. Donc le facteur anti-nutritionnel n’est pas un poison, mais un composé naturel qui par exemple empêche qu’un certain nombre de parasites attaquent la graine.
Lorsque vous prenez du soja et que vous mettez du soja dans votre chambre et que vous avez du maïs, vous allez voir que les charançons vont attaquer plus facilement le maïs et vont laisser le soja. C’est la même chose avec le cassoulet. C’est parce que ces graines sont riches en facteurs anti-nutritionnels. Donc le premier défi est déjà de débarrasser les graines du soja des facteurs anti-nutritionnels. Et pour le faire, il faut décortiquer
Le second défi a été un défi de conservation. Lorsque nous produisons du Amonsoja et que nous n’arrivons pas à tout vendre, comment est-ce que nous allons conserver alors que ce produit est riche en eau ? C’est pratiquement 75% d’eau. Donc, nous avions réfléchi dans le cadre de notre recherche à trouver une solution afin de garder cet Amonsoja un peu plus longtemps.
Avez-vous développé ou recommandé des techniques spécifiques pour améliorer la texture, le goût ou la qualité globale du Amonsoja ?
Il y a une bonne partie des consommateurs du Amonsoja qui disent que dès qu’ils prennent ça, ils sont allergiques ou ont de problèmes de constipation. Mais, il faut bien le faire savoir, ce n’est pas le Amonsoja en lui-même qui crée l’allergie. C’est parce qu’il y a des composés dans cet Amonsoja que j’appelle les facteurs anti-nutritionnels qui sont à la base de cela. Donc primo, il faut débarrasser les facteurs anti-nutritionnels en utilisant le procédé de décorticage. Donc la texture ici, il y a deux éléments. Il faut enlever les facteurs antinutritionnels par décorticage. Et deuxièmement, lorsque vous êtes en train de faire la cuisson du lait de soja, ou de la boisson issue de l’extraction du soja, vous devez faire ce que nous appelons l’écumage. Un troisième élément est la coagulation. Dès que votre lait est cuit, vous devez plutôt coaguler le lait. Donc si l’agent coagulant que vous allez utiliser est très acide, il agit également sur la texture et rend votre amonsoja beaucoup plus dur que d’habitude.
Avez-vous développé des équipements que vous recommandez aujourd’hui pour moderniser la production ?
Aujourd’hui, nous avons trouvé d’autres techniques pour accompagner ces dames qui sont déjà dans ce type de transformation à aller plus vite. Nous sommes en plein cœur d’une recherche-développement qui aujourd’hui vient avancer un peu tout ce que les femmes ont comme pénibilité dans la production du Amonsoja. Premièrement, nous avons travaillé sur une trancheuse, un équipement qui va permettre d’uniformiser, en termes d’épaisseur et en termes de forme, tout ce que nous avons comme amonsoja à sécher. Deuxièmement, nous avons travaillé sur un séchoir qu’on peut très bien fabriquer ici à partir de nos matériaux locaux. Et c’est ce séchoir-là qui va être partagé avec ces dames afin qu’elles puissent l’utiliser pour pouvoir faire le processus de séchage.
Dans les prochaines années, y aura-t-il des recherches nécessaires pour améliorer davantage la production et la consommation ?
Dans le cadre de notre recherche, étant limité dans un temps, nous n’avons pas pu suivre ça plus longtemps. Notre objectif est de continuer ce travail pour voir au bout de combien de temps ce produit pourra être conservé. C’est vrai que dans le cadre de nos recherches, nous avons déjà remarqué qu’il faut que ce soit un emballage unique. Pendant notre recherche, les emballages qui ont été conservés à usage multiple n’ont pas donné de très bons résultats. Pourquoi ? Parce que dès que vous ouvrez, ça reprend de l’humidité et cela fait qu’ils n’ont pas eu une durée de conservation intéressante comparée à tout ce qui est à usage unique. Nous allons continuer ces recherches dans le cadre de la conservation pour voir exactement tout ce qu’il y a comme contraintes pour la conservation à longue durée. Après, à la fin de notre date limite de consommation, nous allons regarder une fois encore toute la richesse nutritionnelle qu’il y a dans les produits, ce qui va faire que désormais, sur l’étiquette, nous allons écrire que c’est riche en protéines, en vitamines ou en tels acides aminés essentiels.
Quel rôle peuvent-ils jouer les institutions de recherche pour soutenir cette chaîne de valeur ?
Je pense qu’aujourd’hui, il ne faut pas oublier que le Bénin est confronté dans plusieurs départements à un problème de malnutrition. Et lorsqu’on parle de malnutrition, on parle de carence en un certain nombre de nutriments au niveau de l’alimentation des enfants. Je pense que d’un point de vue politique, on peut réfléchir pour supplier les enfants, car aujourd’hui, nous avons un produit qui existe et qui est disponible. Est-ce que nous pouvons déjà commencer par compter sur notre offre ? Oui, nous pouvons le faire parce que le soja est disponible. C’est une alternative qui montre que nous pouvons compter sur nos propres produits au niveau local, au niveau national afin de juguler toute la difficulté que nous avons aujourd’hui du point de vue nutritionnel au niveau des enfants.
Mot de fin
Une fois encore, je veux remercier Le Rural pour tout ce que vous faites et remercier également la communauté scientifique ainsi que tous ceux qui ont été impliqués dans cette recherche que nous avons eue à faire sur le soja. Nous pensons que le soja mérite qu’on zoome un peu plus sur lui pour voir comment nous pouvons travailler une fois encore à mieux révéler cette filière au Bénin.
Lire aussi : LANCEMENT OFFICIEL DU ProSMAT : Une impulsion majeure pour le maraîchage agro-écologique au Togo
Réalisé par Jean-Baptiste HONTONNOU