Bénin vraiment prêt à tourner dos aux importations ?
La filière avicole au Bénin est l’un des secteurs clés pour l’économie et la sécurité alimentaire du pays. Englobée d’une diversité d’espèces, notamment les poulets de chair, les poules pondeuses, les pintades et les poulets locaux, cette filière fait face à de nombreux défis, notamment une forte dépendance aux importations de viande de volaille et d’œufs de table.
En réponse à cette situation, le gouvernement béninois a annoncé l’interdiction des importations de poulets congelés et d’œufs d’ici décembre 2024, une mesure qui pourrait transformer en profondeur le secteur. Deux mois derrière cette date annoncée, cette décision d’interdire des importations de poulets congelés et d’œufs d’ici décembre 2024 n’est encore entrée en vigueur. L’interdiction des importations de volaille, où en est le Bénin ?
Si pour le Ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche (MAEP), Gaston DOSSOUHOUI, la suppression de ces importations pourrait être une opportunité pour les éleveurs, les poulets congelés et œufs de table importés sont toujours servis dans les plats. Dans son dernier bulletin d’information, l’Observatoire du commerce, de l’industrie et des services (Ocis) a analysé et proposé des mesures à mettre en place pour assurer une transition réussie vers une production locale renforcée.
Reposée sur des modèles d’élevage comme l’élevage traditionnel (poulet bicyclette), cette filière qui domine en volume reste limitée en productivité et l’élevage moderne, peine à se développer malgré une demande croissante. Selon l’Ocis à travers son bulletin d’information en 2022, la production nationale de viande de volaille est de 9 675 tonnes, alors que les importations atteignaient 132 677 tonnes, soit 93 % des besoins nationaux couverts par des produits étrangers. Mieux, le taux d’autosuffisance qui oscille entre 38,7 % et 45,8 % ces dernières années, reste insuffisant pour garantir l’indépendance du pays dans ce secteur.
D’un autre côté, depuis 2019, la production nationale d’œufs de table connaît une tendance à la hausse passant de 7 805 tonnes d’œufs de table en 2019 à 20 017 tonnes en 2023, mais les œufs de table sont fournis en grande partie par l’élevage moderne et la production d’œufs de table à partir de l’élevage traditionnel reste encore très faiblement développée au Bénin.
De 2018 à 2023, le Bénin a produit, sur la période sous revue, en moyenne 85 567 tonnes de viandes par an dont 12,4% de viande de volailles (moderne et traditionnelle). Néanmoins, la viande de volailles est fournie en grande partie par l’élevage traditionnel. Quant à la production de viande de volaille à partir de l’élevage moderne, elle reste encore très faiblement développée au Bénin.
La consommation de la viande de volaille au Bénin est en augmentation en raison de la croissance démographique et de la préférence croissante des consommateurs pour cette source de protéines. Le marché intérieur est principalement approvisionné par la production locale, mais le pays a une forte dépendance à l’égard des importations pour combler les besoins en viande du pays. De 2017 à 2022, le taux d’autosuffisance a varié entre 38,7 % et 45,8 % (en dessous de 50%), avec une tendance générale à la baisse au cours de la période sous revue.
Viande de volaille au Bénin, l’élevage local peut-il remplacer les importations ?
Malgré les mesures ciblées d’accompagnement du gouvernement pour apporter un ouf de soulagement dans ce secteur, des défis persistent. Parmi tant d’autres, l’alimentation des volailles représente une part majeure sur les coûts de production. Le prix élevé du maïs et du soja rend la production locale moins compétitive face aux importations. De plus, le manque d’abattoirs modernes et de chaînes de froid limite la transformation et la conservation de la viande locale, entraînant des pertes importantes. Le financement de la filière avicole reste limité, ce qui freine les investissements dans les élevages modernes. Bien qu’entamée par le gouvernement, la structuration du secteur est toujours insuffisante.
Pour assurer l’offre nationale en viande de volaille, il est nécessaire d’intensifier la production des matières premières (maïs, soja) pour réduire les coûts d’alimentation et d’encourager la formation des éleveurs aux techniques modernes et intensives. Le gouvernement devrait poursuivre l’accompagnement de cette transition en facilitant l’accès au financement, en mettant en place des mesures de protection du marché local et en investissant dans des infrastructures adaptées (abattoirs, entrepôts frigorifiques, circuits de distribution).
L’interdiction des importations de volaille pourrait renforcer la production locale, à condition que les défis structurels soient relevés. Une approche combinante investissements publics et privés, structuration du secteur et incitations économiques sera essentielle pour faire du Bénin un acteur autosuffisant et compétitif dans l’aviculture.
Dans la même : PATATE DOUCE AU BÉNIN : Entre croissance et défis, quel avenir pour la filière ?
Justin ADANDE