Nourrir la plante ou sauver la terre ?

L'équation est connue : pour nourrir les populations, il faut produire davantage. Et pour produire davantage, les pouvoirs publics subventionnent massivement les engrais chimiques.

Par Jean-Baptiste HONTONNOU

L’équation est connue : pour nourrir les populations, il faut produire davantage. Et pour produire davantage, les pouvoirs publics subventionnent massivement les engrais chimiques. Cette logique, répétée campagne après campagne, semble aujourd’hui aller de soi. Pourtant, derrière cette stratégie de rendement à tout prix, une question de fond s’impose : que devient la terre ?

Au Bénin, l’État a mobilisé, cette année encore, plus de 26 milliards de francs CFA pour soutenir l’accès des producteurs aux engrais minéraux comme le NPK, l’urée, le KCl ou encore le super phosphate. Objectif affiché : sécuriser les récoltes, maintenir les rendements et contenir les coûts pour les agriculteurs. Sur le court terme, le calcul est efficace. Mais à long terme, le sol paie-t-il le prix de cette efficacité immédiate ?

Car tous les spécialistes le savent : à la différence des engrais organiques (fumier, compost, résidus végétaux) qui nourrissent le sol tout en régénérant sa structure, les engrais chimiques agissent comme des dopants. Ils boostent les plantes, mais n’entretiennent pas la vie du sol. Pire, leur usage répété, sans apport complémentaire de matière organique, finit par appauvrir les sols, en affaiblissant la biodiversité microbienne et la capacité de rétention d’eau. Une terre fatiguée produit moins, malgré les engrais. Un paradoxe silencieux.

La question n’est pas d’opposer le chimique au biologique, mais de rééquilibrer les politiques de fertilisation. Pourquoi ne pas investir autant d’efforts et de ressources dans la promotion du compostage, dans la formation des producteurs aux techniques agroécologiques, ou dans la valorisation des engrais locaux et durables ? Pourquoi ne subventionner que la réponse immédiate, quand la cause (la santé naturelle des sols) est ignorée ?

Lire aussi : TRANSFORMATION DES SYSTÈMES ALIMENTAIRES AU BÉNIN : 06 actions majeures du gouvernement qui ont changé la donne

Dans un contexte de flambée des prix des intrants importés, cette dépendance structurelle devient un risque économique. Et si demain, les engrais chimiques deviennent inaccessibles ? Avec quelles alternatives comptons-nous nourrir les populations ?

Nourrir la plante ne suffit plus. Il faut désormais nourrir la terre. Et repenser notre souveraineté alimentaire à partir du sol. Car sans un sol vivant, aucune agriculture n’est viable. L’urgence n’est plus seulement de produire, mais de produire durablement. Le débat est lancé. Et il ne concerne pas que les agriculteurs. Il engage toute une vision du développement.

 

Share the Post:

Articles Similaires