L’Afrique trace la voie d’une transformation ambitieuse et inclusive
Réunis à Addis-Abeba les 28 et 29 juillet 2025 pour le Bilan du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires organisé sur le sol africain, chefs d’État, institutions internationales, agriculteurs et acteurs du développement ont lancé un appel collectif en faveur d’une réforme urgente, inclusive et financée des systèmes alimentaires mondiaux.
À Addis-Abeba en Éthiopie, sur fond d’insécurité alimentaire croissante, de changement climatique et d’inégalités persistantes, la première journée du Bilan du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires s’est ouverte avec un message fort : transformer les systèmes alimentaires n’est plus une option, c’est une nécessité urgente.
Dans une plénière intitulée « De la vision à l’action : le pouvoir de la volonté politique pour des systèmes alimentaires inclusifs, résilients, sains et durables », les plus hauts dirigeants et représentants des communautés agricoles ont confronté les défis aux solutions, appelant à une mobilisation coordonnée pour atteindre la faim zéro.
Pour cela, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres malgré son absence, a à travers une vidéo adressée un discours à l’ouverture de ce sommet : « La faim augmente. Un tiers de la population mondiale ne peut se permettre une alimentation saine, pendant qu’un tiers de la nourriture est gaspillée. Ce n’est pas une crise de rareté, c’est une crise de justice, d’équité et de climat. »
Selon lui, malgré les avancées depuis le sommet de 2021, plus de 100 pays ayant aligné leurs stratégies alimentaires sur les objectifs climatiques, les progrès restent trop lents, trop inéquitables. Il a exhorté les États à intensifier leurs efforts, notamment en matière d’investissement, de gouvernance et de soutien aux plus vulnérables.
Des solutions portées par l’Afrique
La tenue du Bilan en Afrique reflète une volonté politique forte, et souligne aussi l’urgence d’agir sur un continent à la fois le plus exposé aux crises alimentaires, et riche en ressources naturelles et humaines.
Alvaro Lario, président du FIDA, a salué cette dynamique en soulignant le rôle central de l’Afrique : « Le continent a les plus grands besoins, mais aussi un potentiel énorme. Nous avons besoin d’une unité objective et d’une volonté politique pour passer de l’ambition à l’action. »
Selon lui, le financement de la transformation coûte moins de 0,5 % du PIB mondial, soit une fraction des subventions agricoles actuelles. Il plaide pour des stratégies de financement menées par les pays eux-mêmes, des partenariats public-privés, et surtout, un ciblage efficace vers les petits exploitants agricoles, cœur névralgique de la sécurité alimentaire mondiale.
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Les États africains s’engagent pour des réformes systémiques
Le Nigeria, par la voix de son vice-président Kasim Shetima, a exposé ses avancées concrètes depuis 2021. « Nous voulons transformer les engagements en repas. Nous avons créé des centres alimentaires à l’échelle nationale, adopté un plan de nutrition et intégré l’alimentation dans chaque ministère. »
Ainsi, le pays mise sur la réforme institutionnelle, la priorisation des cultures de base comme le riz et le blé, et un soutien accru aux petits agriculteurs, femmes et jeunes en tête.
Le Comores, quant à lui, a insisté sur les défis structurels de l’Afrique : pertes post-récolte, chaînes d’approvisionnement défaillantes, impacts climatiques. Il appelle à la création d’un fonds national d’appui à l’agriculture, doté de mécanismes innovants de financement agro-écologique pour renforcer la résilience des systèmes alimentaires africains.
Un appel à la dignité et à l’adaptation climatique
De plus, Elisabeth Nsimadala, agricultrice ougandaise et représentante des petits exploitants d’Afrique, a porté une voix forte au nom de ceux qui nourrissent les nations mais restent marginalisés. « Le changement climatique n’a pas de frontières. Si nous voulons investir dans les petits exploitants, nous devons financer leur adaptation. Et nous devons le faire avec respect. »
Ensuite, elle a dénoncé le paradoxe d’une participation souvent symbolique des agriculteurs aux sommets internationaux : « Les gens ici sont payés pour être présents. Nous, agriculteurs, quittons nos champs, nos revenus, sans contrepartie. Ce que nous demandons, c’est la dignité. »
Une mobilisation en croissance, mais des attentes élevées
Le président William Ruto du Kenya, intervenant à son tour, a appelé à accélérer les efforts mondiaux pour réformer les systèmes alimentaires, tout en insistant sur le rôle de l’innovation numérique comme levier d’inclusion, citant l’exemple du système de paiement mobile M-PESA comme modèle d’intégration réussie au Kenya
Passer à l’échelle : de la vision à l’action collective
Enfin, ce sommet a réaffirmé l’importance d’une approche systémique, inclusive et multisectorielle. Gouvernements, institutions financières, société civile, secteur privé et communautés locales sont appelés à travailler ensemble pour bâtir des systèmes alimentaires durables.
Les financements issus de la Conférence sur le financement du développement (FfD4) sont attendus comme un levier central pour concrétiser les engagements. L’Afrique, avec ses terres fertiles, sa jeunesse et son dynamisme, se positionne désormais non plus comme le continent des urgences alimentaires, mais comme celui des solutions agroalimentaires de demain.
Ruth EDOH