Une endémie persistante malgré les efforts de contrôle
La peste des petits ruminants (PPR), maladie virale hautement contagieuse qui touche principalement les ovins et les caprins, demeure l’une des principales menaces pour la filière élevage au Bénin. Endémique depuis plusieurs décennies, elle continue de causer des pertes économiques considérables malgré les efforts de vaccination et de sensibilisation.
Selon l’étude « Analyse spatio-temporelle de la peste des petits ruminants au Bénin, 2009-2018 » publiée en 2025, la PPR reste solidement ancrée sur le territoire national. Sur cette période de dix ans, 1 297 nouveaux foyers ont été signalés, 88 668 animaux infectés et 23 002 décès enregistrés. Les années 2010, 2011 et 2012 ont été particulièrement marquées par des taux d’incidence et de mortalité élevés. L’étude révèle également que les départements de l’Ouémé, du Plateau et du Borgou ont été les plus sévèrement touchés, tandis que les mois de mars, avril et mai concentrent la majorité des foyers et des décès. Des points chauds ont été identifiés dans 26 communes de 9 départements, notamment dans le Mono et le Couffo, confirmant que la maladie n’épargne aucune région.
Ainsi, pour le Dr Victor Allanonto, Chef du service santé animale à la Direction de l’élevage, cette situation s’explique par plusieurs facteurs. « La peste des petits ruminants est une maladie virale très contagieuse. Lorsqu’elle apparaît, elle peut entraîner entre 60 et 90 % de mortalité. Le Bénin est un pays endémique à cette maladie, qui sévit un peu partout sur le territoire national », explique-t-il.
La propagation du virus est accentuée par la mobilité animale, les échanges transfrontaliers et les modes d’élevage familiaux où les règles de biosécurité sont rarement respectées. À cela s’ajoutent des facteurs climatiques comme les périodes de grands vents, entre juillet et janvier, coïncident souvent avec une recrudescence des cas.
Une menace pour la sécurité alimentaire et les revenus ruraux
L’importance de l’élevage des petits ruminants dans l’économie béninoise est fréquemment sous-estimée. Une autre étude citée par le ministère de l’Agriculture indique que les éleveurs de caprins sont confrontés à diverses pathologies, parmi lesquelles la PPR figure en tête, aux côtés de la gale, des maladies respiratoires et des parasitoses digestives.
Ces maladies constituent une contrainte majeure au développement de la production caprine. Cette filière joue pourtant un rôle économique, social et nutritionnel indispensable, notamment pour les femmes rurales, généralement à la tête des petits élevages. « L’élevage des petits ruminants est un moyen de subsistance et même de dignité pour les éleveurs. C’est une activité qui contribue à réduire la pauvreté », rappelle le Dr Allanonto.
La PPR compromet donc non seulement la sécurité alimentaire, mais aussi la résilience économique des ménages, aggravant la vulnérabilité des populations rurales.
Une réponse nationale structurée, mais encore fragile
Conscient de l’ampleur du problème, le gouvernement béninois a adhéré à l’initiative mondiale d’éradication de la PPR à l’horizon 2030. Dans ce cadre, un Plan national stratégique de lutte a été élaboré. Il repose sur trois axes majeurs : la vaccination de masse, la sensibilisation des éleveurs, le renforcement du dispositif vétérinaire pour la détection précoce des foyers.
En 2024, environ 300 000 petits ruminants ont été vaccinés, avec un accent particulier sur les zones à risque. Des projets comme COSO (Cohésion sociale) et PRODEFILAVE-PEL intègrent la vaccination comme priorité, tandis qu’un arrêté de 2019 rend cette vaccination obligatoire.
En effet, pour faciliter l’accès, le coût a été fixé à 60 francs CFA par tête lors des campagnes subventionnées, et 130 francs CFA dans le cadre du mandat sanitaire confié aux vétérinaires privés. Malgré ces efforts, l’adhésion des éleveurs demeure encore insuffisante, souvent par manque d’information ou de moyens.
Sensibiliser pour mieux prévenir
Les associations professionnelles telles que l’ANOPER et l’APESS jouent un rôle essentiel dans la mobilisation des éleveurs. Appuyées par les services déconcentrés de l’État, elles œuvrent à la vulgarisation des bonnes pratiques d’élevage et à la promotion de la vaccination. « Certes, le taux d’adhésion reste encore faible, reconnaît le Dr Allanonto, mais les stratégies et outils mis en place se renforcent progressivement afin de susciter une implication plus active des acteurs. »
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Vers une éradication d’ici 2030 ?
L’objectif fixé pour 2030 est ambitieux, mais réalisable si les efforts de vaccination, de surveillance et de sensibilisation se poursuivent. La PPR reste aujourd’hui l’une des maladies les plus dévastatrices pour la filière des petits ruminants. Pour le Dr Allanonto, la réussite passe par une synergie d’actions. « Tous les acteurs (gouvernement, partenaires techniques et associations d’éleveurs) doivent jouer leur rôle pour qu’à l’horizon 2030, le Bénin puisse mettre la peste des petits ruminants hors de son territoire. »


