MÉTIER DES ECAILLÈRES DE POISSON : Les femmes entre tradition et difficultés sur les marchés
Les écailleuses, ces femmes présentes sur nos marchés, jouent un rôle essentiel dans la chaîne alimentaire en nettoyant et en vidant les poissons. Bien que souvent sous-estimée, leur activité requiert un savoir-faire acquis au fil du temps et une grande rigueur. Ce métier, pratiqué essentiellement par des femmes au Bénin, s’inscrit dans la chaîne de valeur des produits halieutiques, malgré les nombreux défis auxquels il est confronté.
Mireine YAHOUNGO (Stag)
Dans l’ombre des étals de poisson, les écailleuses accomplissent un travail essentiel, pourtant méconnu et semé de défis. En effet, le métier d’écailleuse repose sur un apprentissage continu. Ces femmes se perfectionnent par la pratique quotidienne, une démarche qui reflète l’importance de leur rôle. « Tout comme le producteur agricole travaille la terre, tel est le métier des écaillères », confie une écailleuse. Elle explique que ce travail requiert des compétences particulières, notamment pour les personnes n’étant pas originaires de la communauté Tôfin. « Quand tu n’es pas Tôfin, tu es obligé.e de l’apprendre avant de pouvoir l’exercer, sans quoi, le travail ne pourra pas satisfaire les clients », précise-t-elle. Ainsi, sur les marchés, les écailleuses travaillent souvent en groupe, partageant un espace commun.
Cette proximité favorise une forme de solidarité entre elles, où chacune possède ses propres clients. « Chaque cliente a son écailleuse vers qui elle se dirige. Personne n’arrache la cliente de l’autre. C’est dans le cas contraire que commencent les mésententes entre collègues », souligne Kinfa Bakpossi, une écailleuse expérimentée. Une sorte d’organisation qui permet de maintenir une certaine harmonie au sein de ce microcosme commercial. Malgré leur rôle important, les écailleuses font face à des conditions de travail difficiles qui affectent leur productivité et leur santé. Les risques de blessures sont fréquents dans l’exercice de leur métier. « Lorsque le poisson te pique, cela devient un problème, car la main s’enfle et il faut maintenant la soigner en subissant toutes les peines qu’elle inflige », témoigne Clémentine Bossouvo.
Par ailleurs, les méthodes de travail ont évolué au fil du temps. Autrefois, les écailleuses utilisaient le couteau pour écailler les poissons. Aujourd’hui, elles ont opté pour le ciseau, une méthode jugée moins dangereuse mais tout aussi pénible. « À cause des risques que cela nous donne, nous avons opté pour le ciseau, pourtant c’est très difficile et nos mains sont souvent blessées par les poissons », explique Kinfa Bakpossi. D’un autre côté, le travail des écailleuses est également soumis à la fluctuation des saisons de pêche et aux conditions climatiques. « Pendant la période des pluies, il est impossible de travailler », souligne une écailleuse. Cette situation met en lumière la précarité de leur métier. Le ralentissement économique impacte directement leur rentabilité. « Il faudrait qu’il y ait d’abord des acheteurs de poissons avant que nous ne trouvions du travail à faire. Il est même possible de quitter le marché sans avoir reçu aucun client », ajoute-t-elle.
De plus, les écailleuses se heurtent parfois aux réticences des clients concernant les tarifs. « Certains clients diminuent le prix que nous leur fixons. Il y a également des moments où nous venons au marché sans gagner d’argent, contrairement à d’autres fois où nous arrivons quand même à en gagner un peu », partage Kinfa Bakpossi. Exclusivement féminin, le métier d’écailleuse demeure important pour la chaîne de valeur des produits halieutiques au Bénin. Cependant, les difficultés rencontrées par ces femmes appellent à une réflexion sur les solutions à mettre en place pour améliorer leurs conditions de travail.