FÊTE DE L’IGNAME AU BÉNIN : Une tradition qui voile de lourds défis agricoles
La Fête de l’Igname, une célébration profondément ancrée dans les traditions culturelles du Bénin, symbolise bien plus qu’un simple événement festif. Elle marque le début de la récolte d’une culture essentielle pour la sécurité alimentaire du pays. Cependant, la production d’igname au Bénin, malgré son importance, est confrontée à de nombreux défis.
Innocent AGBOESSI
La fête de l’igname est l’occasion idéale pour les familles de perpétuer les recettes ancestrales. Ce tubercule revêt une importance presque sacrée, notamment à Savalou. Dans ces zones, le 15 août est une date clé, marquée par la consultation de l’oracle par la cour royale pour obtenir l’autorisation de consommer la « nouvelle igname ».
Tout au long de l’année, l’igname est dégustée sous de nombreuses formes : pilée (Agoun), frite, transformée en semoule, ou encore en farine pour obtenir de la pâte. D’autres préparations béninoises traditionnelles incluent l’igname grillée, souvent servie avec une sauce épicée, ainsi que l’igname en ragoût. L’igname peut aussi être utilisée pour préparer des beignets ou même des croquettes.
L’igname est donc l’une des cultures vivrières les plus importantes du Bénin. En 2022, selon le Ministère de l’Agriculture du Bénin, la production nationale d’igname s’élevait à environ 3,7 millions de tonnes, avec une légère augmentation prévue pour 2023. Ce chiffre reflète la place cruciale de l’igname dans l’alimentation des populations et comme source de revenus pour les agriculteurs. Le Bénin est l’un des plus grands producteurs d’igname en Afrique de l’Ouest, aux côtés du Nigeria, du Ghana et de la Côte d’Ivoire.
Malgré ces chiffres impressionnants, la production d’igname au Bénin est confrontée à de nombreux défis. L’insécurité alimentaire due à des pratiques agricoles insuffisamment modernisées reste un problème. Selon la FAO, près de 80% des producteurs d’igname au Bénin sont de petits exploitants agricoles qui utilisent encore des méthodes traditionnelles, ce qui limite leur productivité. Le rendement moyen d’igname par hectare au Bénin est de 10 à 12 tonnes, ce qui est inférieur à la moyenne régionale de 15 tonnes par hectare.
Un autre défi majeur est l’impact du changement climatique. Les fluctuations des précipitations et l’irrégularité des saisons affectent gravement les cycles de culture. Selon un rapport de la Banque mondiale de 2022, les variations climatiques ont réduit la productivité des cultures d’igname de près de 15% au cours de la dernière décennie, avec des répercussions directes sur les revenus des agriculteurs. Ce sont donc des grands défis qui demandent des actions précises et bien pensées.
Initiatives pour améliorer la production d’igname
Pour relever ces défis, plusieurs initiatives ont été mises en place. Le Programme d’Appui au Développement Agricole (PADA), financé par la Banque mondiale, vise à améliorer la productivité des cultures d’igname en introduisant des variétés résistantes aux changements climatiques et en promouvant des techniques agricoles modernes. Ce programme a déjà permis d’augmenter le rendement moyen de 10% dans certaines régions du Bénin.
Par ailleurs, des efforts sont déployés pour améliorer l’accès des agriculteurs au financement et aux intrants agricoles. En 2023, le gouvernement béninois a lancé un programme de crédits agricoles à faible taux d’intérêt destiné aux producteurs d’igname, afin de faciliter l’acquisition de semences améliorées et d’engrais.
Ainsi donc la Fête de l’Igname reste un symbole de la résilience des agriculteurs béninois face aux défis climatiques et économiques. Cependant, pour que cette culture continue de prospérer, des efforts concertés sont nécessaires pour moderniser les pratiques agricoles et renforcer la résilience des agriculteurs face aux impacts du changement climatique. Le soutien accru des institutions nationales et internationales sera inévitable pour assurer la durabilité de la production d’igname au Bénin dans les années à venir.