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1er groupe de presse agricole en Afrique de l’Ouest

FISTULE OBSTETRICALE : Un fléau silencieux qui emprisonne des milliers de femmes

 FISTULE OBSTETRICALE : Un fléau silencieux qui emprisonne des milliers de femmes

Au Bénin, des centaines de femmes, principalement en milieu rural, subissent l’isolement social et les douleurs physiques liées à la fistule obstétricale, une complication évitable lors de l’accouchement. Malgré les faiblesses du système de santé et les défis imposés par différents facteurs, des initiatives locales et internationales visent à redonner dignité et autonomie à ces survivantes.

Innocent AGBOESSI

Au Bénin et dans bien d’autres régions d’Afrique, des milliers de femmes se battent contre une maladie qui bouleverse leur existence : la fistule obstétricale. Cette affection, souvent causée par un accouchement prolongé ou mal encadré, a des répercussions dévastatrices sur la santé physique et mentale des femmes. Elle survient principalement lorsque le fœtus, bloqué pendant le travail, exerce une pression prolongée sur les tissus pelviens, entraînant une perforation entre le vagin et la vessie, ou parfois le rectum. Cette blessure conduit à des fuites incontrôlées d’urine ou de matières fécales, un état qui stigmatise profondément les victimes et les isole socialement. Selon la taille et la localisation de la fistule, des écoulements vaginaux malodorants peuvent survenir, ou des matières fécales peuvent être évacuées par le vagin.

En effet, la fistule obstétricale est largement évitable, pourvu que des soins obstétricaux adéquats soient disponibles. Cependant, au Bénin, particulièrement dans les zones rurales, l’accès à des services de santé de qualité reste un défi majeur. Les femmes accouchent souvent dans des conditions précaires, sans surveillance médicale adéquate, et beaucoup trop jeunes. Lorsque des complications surviennent, le recours à une césarienne, souvent indispensable pour éviter la fistule, n’est pas toujours possible en raison de l’insuffisance des infrastructures médicales, du manque de personnel qualifié ou du coût des interventions. Ainsi, chaque année, des centaines de femmes se retrouvent prisonnières de leur propre corps, victimes d’un système de santé fragile.

L’impact de la fistule obstétricale dépasse largement les souffrances physiques. Les femmes touchées se retrouvent souvent exclues de leurs communautés, rejetées par leurs maris et leurs familles, car leur état est perçu comme une source de honte. En plus des douleurs chroniques, des infections à répétition et des complications médicales qui accompagnent cette affection, les victimes subissent un isolement social forcé. Privées de leur dignité, ces femmes sont condamnées à vivre dans l’ombre, avec une affliction qui pourrait pourtant être évitée.

Le problème s’est aggravé avec la pandémie de COVID-19, qui a accentué les faiblesses des systèmes de santé dans de nombreuses régions du monde, y compris au Bénin. La pandémie a provoqué une baisse de la disponibilité des soins prénatals, exacerbant les risques pour les femmes enceintes, notamment celles vivant en milieu rural. Les changements climatiques, qui perturbent également l’économie et les moyens de subsistance dans ces zones, viennent ajouter une couche de complexité à la situation.

Toutefois, face à ce tableau sombre, des initiatives naissent pour redonner espoir aux survivantes de la fistule. À Cotonou, un programme ambitieux soutenu par la CEDEAO et le gouvernement béninois a été mis en place. Doté d’un financement de 148,7 millions de francs CFA, ce projet offre une réponse concrète à cette crise silencieuse. Des dons en vivres et en équipements pour les centres d’hébergement sont distribués, et des sessions de renforcement des capacités pour les soignants sont organisées pour améliorer la qualité des soins. De plus, des initiatives de réinsertion socio-économique permettent aux survivantes de retrouver leur autonomie et leur dignité.

Cette mobilisation locale s’inscrit dans un cadre plus large de lutte mondiale contre la fistule obstétricale. Depuis 2003, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) mène une campagne internationale visant à éradiquer ce fléau d’ici 2030. Cette campagne, en partenariat avec les gouvernements nationaux et des acteurs internationaux, a permis de réaliser des progrès considérables. Néanmoins, la route reste longue. Chaque année qui passe rapproche le Bénin et d’autres pays d’un avenir où la fistule obstétricale ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

En attendant, chaque initiative, chaque geste de solidarité compte. Car derrière chaque statistique, il y a une femme, une mère, une vie brisée qui aspire à retrouver sa dignité et à réintégrer la société.

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