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1er groupe de presse agricole en Afrique de l’Ouest

CONSERVATEUR SINAGABE ULYSSE KOROGONE À PROPOS DE LA GESTION DURABLE DES FORÊTS COMMUNAUTAIRES AU BÉNIN

 CONSERVATEUR SINAGABE ULYSSE KOROGONE À PROPOS DE LA GESTION DURABLE DES FORÊTS COMMUNAUTAIRES AU BÉNIN

« Il faut donner à ces forêts un statut et une documentation appropriée …»

Les forêts communautaires revêtent d’une grande importance au Bénin. À l’instar de celles sacrées et classées, elles nécessitent une attention particulière pour leur gestion durable. Avec le conservateur de deuxième classe des eaux, forêts et chasse, votre journal fait le tour d’horizon des questions sur ces forêts.

 

  • Quels sont les types de forêts que nous avons ?

Au Bénin, nous avons plusieurs types de forêts, notamment les forêts communautaires, comme vous l’avez mentionné. Ces forêts appartiennent à des groupes décentralisés bien organisés. Je voudrais souligner qu’une attention particulière a été accordée à la gestion de ces forêts communautaires à travers un certain nombre de projets tels que le projet d’aménagement des massifs forestiers et le projet d’appui à la gestion des forêts communales. Plusieurs mesures ont été mises en place pour la préservation de ces forêts dans le cadre de ces différents projets. L’administration forestière, notamment la Direction générale des eaux, forêts et chasse, veille à leur gestion participative en collaboration avec les communautés locales. Pour gérer de telles forêts, un soutien est nécessaire pour établir ce que nous appelons un plan d’aménagement ou un plan de gestion. Ce plan permet de déterminer les actions à mener dans ces forêts. Ce qu’il faut y faire, quand il est possible de récolter des produits et comment utiliser les produits récoltés. L’administration forestière collabore avec les communautés pour une gestion adéquate et durable de ces forêts.

  • Au-delà de ces actions, quelles sont les stratégies mises en place pour lutter contre la déforestation et surtout l’exploitation illicite du bois dans ces forêts ?

C’est une question intéressante parce que même dans nos forêts classées, le défi de la lutte contre l’exploitation forestière illégale, le braconnage, l’exploitation pour le bois de chauffe et la carbonisation excessive est quotidien. Lorsque l’on parle de forêts classées, comprenez déjà le niveau d’attention et de restriction imposé. Alors, qu’en sera-t-il au niveau des forêts communautaires ?

Ce sont des forêts où l’on constate beaucoup de situations irrégulières. L’administration forestière intervient lorsqu’elle est informée car elle a compétence pour agir même au niveau des exploitations forestières dans des forêts privées. Si vous avez une plantation et qu’une exploitation illégale s’y fait, l’administration forestière peut constater cette infraction et appliquer la loi. Au niveau des forêts communautaires, nous agissons de la même manière. Il est essentiel d’avoir une attention particulière à ce sujet. Nous sommes actuellement en train de réviser ce que nous appellerons le code forestier qui intégrera la loi sur la faune et la loi sur la forêt. Ce code accorde une attention particulière à la gestion de ces forêts. La loi existait déjà mais nous l’avons améliorée. Lorsque ces textes seront adoptés, nous aurons les moyens de donner plus de valeur et de reconnaissance à ces forêts qui jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes tant au niveau local que national.

  • Quel est le rôle que doit jouer réellement la communauté locale quand il s’agit d’une forêt communautaire ?

Le rôle de la communauté locale est essentiel. Ces forêts ont besoin d’un plan de gestion qui définit clairement le rôle de chaque acteur. Si la gestion des forêts se fait de manière uniquement restrictive, les communautés peuvent avoir l’impression que leur usage est simplement limité sans qu’on leur montre les avantages et les bénéfices qu’elles peuvent en tirer en respectant ces restrictions temporaires, en soutenant les aménagements réalisés et en maintenant les limites. La grande problématique de ces forêts, puisqu’elles ne sont pas classées, est qu’elles sont exposées à toutes sortes d’exploitations foncières. Elles peuvent même être loties, car elles ne relèvent pas du domaine de l’État qui s’oppose à ces pratiques. Il est donc crucial de travailler avec les communautés pour valoriser ces forêts, leur donner un statut et une documentation appropriée.

Il faut également que les communes intègrent de manière légale le besoin de préserver les espaces verts sans qu’un forestier ne leur dise d’en dédier un comme poumon vert. C’est essentiel et c’est pourquoi notre bataille est que la forêt classée de Pahou puisse maintenir son rôle écologique de poumon vert tampon. Vous savez que c’est pratiquement la dernière forêt relique  naturelle que nous avons dans cette partie méridionale. Nous travaillons d’arrache-pied pour la maintenir et avec la vision affichée du gouvernement, nous sommes convaincus que nous pourrons préserver cette forêt dans ses limites actuelles pour qu’elle continue de jouer son rôle. Donc, le rôle des communes est essentiel et pour les communautés encore plus.

  • Parlons du fléau du changement climatique. Avez-vous une idée des principaux impacts de ce changement climatique sur les forêts communautaires ?

Les effets du changement climatique sont bien connus : la raréfaction des pluies abondantes qui dérègle les cycles culturaux et qui impacte donc les besoins. Aujourd’hui, avec la sécheresse, certaines espèces disparaissent… Le changement climatique modifie les affectations des terres et augmente les besoins en terres plus fertiles. Cela pousse à conquérir de nouvelles terres plus productives. Les effets globaux du climat sur les forêts s’appliquent aussi aux forêts communautaires et même davantage car ces forêts ne bénéficient pas de mesures de conservation supplémentaires.

  • Précisez-nous le rôle que jouent les divinités dans la conservation et la préservation des ressources forestières au Bénin.

Vous me donnez l’occasion de rendre hommage à mon feu professeur Nestor Sokpon, qui était mon maître de mémoire et qui avait un intérêt particulier pour ces questions de forêts sacrées et leur rôle dans la conservation des espèces sauvages. À la Direction générale des eaux, forêts et chasse, nous avons mené un projet avec l’appui de nos partenaires pour intégrer les forêts sacrées dans la chaîne des espaces à protéger au Bénin. Nous y travaillons activement. Ces forêts, classées comme « sacrées » par nos ancêtres sont aujourd’hui pour certaines communes les seules reliques de forêt naturelle. Il est donc nécessaire de leur apporter une attention particulière. Les divinités qui y sont vénérées ont été placées là pour limiter l’accès à ces forêts et à leurs ressources et quand on n’est pas initié, on ne peut y entrer. Cela crée une forme de restriction semblable à une loi. Ces lois et principes ont été instaurés sous le couvert des divinités pour préserver ces forêts et elles sont encore présentes bien que leur superficie diminue considérablement.

Je profite pour lancer un appel à l’endroit des  autorités locales à divers niveaux, les autorités politico- administrative, les députés… car la conservation est aussi une question politique, une question de vision. Lorsque la vision politique est claire, nous, techniciens, avons la confiance et l’assurance nécessaires pour travailler et assurer une gestion durable des espèces de faune et de flore.

  • Des perspectives d’avenir ?

Oui, les perspectives sont très bonnes. Nous avons un engagement politique affiché qui se traduit par des textes conséquents et des décisions politiques. Le code forestier est en gestation et devrait être adopté dans les prochains mois. Nous avons des projets à impact qui sont en cours de mise en œuvre ainsi qu’un engagement communautaire de plus en plus marqué. Nous bénéficions également de la confiance de plusieurs partenaires tant au niveau national qu’international. Nous pensons que si nous maintenons le cap, si nous continuons de travailler d’arrache-pied et de communiquer sur nos efforts, nous atteindrons un plus grand nombre de cibles.

Pour conclure, je voudrais rassurer les communautés que notre objectif n’est pas de leur interdire l’accès aux ressources mais de réguler cet accès en communiquant clairement sur les règles qui le régissent.

 

Propos transcris par Jacqueline ALAVO

 

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