IRRÉGULARITÉ DES SOINS PRÉNATAUX EN MILIEU RURAL : Les fondements cachés d’une négligence regrettable
Le Bénin, un pays d’Afrique de l’ouest, fait face à d’importants défis en matière de santé maternelle. Malgré les efforts déployés pour améliorer l’accès des femmes enceintes aux soins prénataux en milieu rural ou défavorisé, on constate qu’une grande partie de ces dernières ne bénéficie pas de ces services essentiels. Ce phénomène persistant soulève des questions sur les causes profondes du suivi sporadique de ces soins vitaux.
Échographie sur une femme enceinte
Maëlle ANATO
La mortalité maternelle demeure un problème majeur de santé publique. D’après les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé en 2015, on dénombre chaque année « près de 45% des décès d’enfants de moins de cinq ans concernent les nouveau-nés pour lesquels la majorité (75%) survient pendant la première semaine de vie et parmi ceux-ci, 25 à 45% surviennent au cours des premières 24 heures. La plupart de ces décès de nouveau-nés ont lieu dans les pays en développement où l’accès aux soins est faible ». Pour information, les soins prénataux constituent l’ensemble des soins, consultations et observations fournies à une gestante (femme enceinte) pendant les 9 mois de grossesse. Actuellement, il est recommandé un minimum de huit (08) Consultations Prénatales (CPN) auxquelles s’ajoutent le groupage, l’électrophorèse, la glycémie, l’hépatite, la toxoplasmose et d’autres examens essentiels pour la survie de la mère et de l’enfant à naître.
La situation au Bénin
Des données de la 5ème enquête démographique et de santé du Bénin (2017-2018), il ressort que parmi les femmes ayant reçu des soins prénataux pour la naissance la plus récente, 98% ont eu leur tension artérielle mesurée et 94% ont eu un prélèvement d’urine. Pour 71% de mères, la dernière naissance a été protégée contre le tétanos. En effet, les soins prénataux permettent de connaître la taille, le poids, la position du fœtus avant 36 semaines et l’état de santé de la mère. Menés par une sage-femme, un gynécologue ou un spécialiste qualifié, ils aident à détecter et à traiter précocement les problèmes, les maladies et les risques de complications pouvant impacter l’accouchement.
Au cours du mois de juin 2024, la Cellule de Contrôle et d’Inspection des Structures de Prestations de Soins Médicaux (CCI-SPSM) a inspecté les maternités de la zone sanitaire Allada-Toffo-Zè et de la commune d’Abomey-Calavi. Les résultats ont révélé que peu de femmes enceintes font un recours précoce aux soins, et aux consultations prénatales. La régularité des examens et même des consultations est confrontée à de nombreux obstacles.
Au Bénin, les croyances traditionnelles et les pratiques culturelles limitent l’accès aux soins prénataux. Mauricette Toffohossou, sage-femme diplômée d’état, déplore le fait que dans les villages, les femmes parturientes négligent ces soins. « C’est mon quotidien. On voit des femmes qui, lorsqu’elles tombent enceinte, disent qu’elles ne viendront pas tôt en consultation de peur que les gens aient connaissance de leur état ». Elle ajoute que certaines préfèrent attendre que le ventre s’arrondisse suffisamment avant leur première consultation, ignorant ainsi les multiples risques auxquels elles exposent leurs progénitures. En effet, dans certaines communautés rurales, les femmes préfèrent consulter des guérisseurs traditionnels plutôt que de se rendre dans un centre de santé moderne.
De plus, les normes sociales de certaines régions et la crainte du mauvais œil empêchent certaines femmes enceintes de se montrer en public. Ce qui complique davantage l’accès aux soins. Il faut également noter le manque de sensibilisation et d’éducation sur l’importance des soins prénataux dans les zones rurales du Bénin. De nombreuses femmes restent mal informées des bénéfices d’un suivi régulier pendant la grossesse.
Par ailleurs, une principale cause de l’irrégularité des soins prénataux est la pauvreté. Les coûts excessifs du déplacement, des consultations et des médicaments retiennent certaines familles. Ces derniers perçoivent cet ensemble de soins comme un luxe et non comme une nécessité. À ces différents obstacles s’ajoutent l’éloignement des maternités et centres de santé dans les villages, l’insuffisance d’infrastructures sanitaires de qualité, la couverture inégale des soins prénataux dans les régions les plus reculées du pays.
Des centaines de bébés sont mort-nés chaque année au Bénin, dont environ la moitié pourrait être sauvée si leurs mères bénéficiaient de meilleurs soins médicaux et d’une surveillance prénatale adéquate. Ces multiples défis appellent à des mesures urgentes pour garantir non seulement un accès universel mais aussi la régularité des soins prénataux. Pour cela, il urge de mener des campagnes de sensibilisation adaptées aux contextes culturels locaux afin d’informer, d’éduquer les femmes et les communautés sur l’importance des consultations et examens prénataux. Aussi, il serait judicieux de penser à la mise en place de programmes de soutien financier pour les femmes enceintes en milieu rural.
In fine, le renforcement des infrastructures sanitaires rurales, le déploiement de sages-femmes et de professionnels de santé dans les agglomérations rurales contribueront à un suivi prénatal de qualité.