Depuis environ un an, le gouvernement béninois a pris de nouvelles mesures et modalités d’exportation des produits forestiers en République du Bénin. Dans ce cadre, votre journal a reçu les commentaires du Président de la Fédération Nationale des Opérateurs Économiques de la Filière Forêt-Bois (FéNAOEF/F-B), Bertin AKOUTA sur la question.
- Que pensez-vous des nouvelles mesures et modalités d’exportation des produits forestiers qui ont été prises le mercredi 03 avril 2024 en conseil des ministres, pour tenir compte de la nécessité de préserver et de développer des ressources forestières ?
Je crois que les mesures sont bienvenues par rapport à notre secteur, parce que c’est ce qu’on attendait. Il faut quand même actualiser les textes pour que ça soit conforme à notre aspiration : la transformation du bois. Donc, cette mesure est tout de même salutaire, étant donné que quand on donne de la valeur ajoutée à un produit, c’est toujours bénéfique de l’utiliser que de l’exporter brut.
- Quelles sont les principales différences entre le cadre réglementaire précédent et le nouveau cadre réglementaire ?
Pour parler de la mesure de 2016, le décret 2017-200, portant nouvelles mesures transformation, commercialisation, exportation du produit et du bois en République du Bénin, elle portait sur une taxation différentielle. C’est-à-dire, selon le degré de transformation, mais au même moment, donne une ouverture pour l’exportation du bois brut. C’était un peu quelque chose à corriger parce que ce décret, l’actuel, est venu imposer que tout doit être transformé avant d’être exporté, même les produits de forêts naturelles ou bien de plantations de manière privée.
- Comment ces nouvelles mesures normatives vont-elles contribuer à la préservation et au développement durable des ressources forestières ?
Avant d’exporter un conteneur, je dois travailler pendant un mois. Mais pour exporter brut, en une semaine, je peux exporter 10 conteneurs. Donc ça préserve la nature. C’est d’ailleurs la politique forestière qui a été validée le 22 février 2023, c’est la préservation, la valorisation des essences et la préservation. Nous, on s’était déjà dit que cette mesure allait venir pour protéger davantage la forêt.
- S’il est vrai que la transformation locale est très avantageuse pour vous, quels sont les leviers sur lesquels il faut agir pour favoriser davantage cette transformation locale ?
Des mesures d’accompagnement vu que l’énergie coûte cher au Bénin. Pour un transformateur, c’est la bête noire. L’autre aspect, le coût de la matière première. C’est très important en matière de transformation. Si le coût de la matière première est élevé, il agit sur la production et aussi le coût de revient. Par conséquent, si votre coût de revient est élevé, vous allez fixer un prix élevé. Et ainsi, vous n’êtes pas compétitif par rapport aux autres qui, peut-être, ont d’autres avantages commerciaux. Donc, le coût, les exonérations de l’équipement et aussi l’énergie constituent des leviers sur lesquels le gouvernement doit agir pour accompagner cette transformation.
- Êtes-vous d’accord avec le fait que l’exportation des produits forestiers soit soumise à une autorisation et surtout à l’obtention préalable d’un avis technique ?
C’est ce qui se faisait. La mesure était là depuis. Sans avis technique, vous ne pouvez rien exporter même si vous avez l’agrément forestier. C’est normal. Il faut que l’administration forestière donne son avis sur ce que vous avez transformé, si réellement, c’est conforme aux dispositions. L’avis technique est nécessaire, c’est un préalable avant les exportations.
- En interdisant l’exportation du charbon de bois, ne pensez-vous pas que cela pourrait avoir des répercussions sur la situation financière des populations qui dépendent de cela ?
Non, la mesure est venue confirmer ce qui se faisait, on n’exportait pas, la loi l’avait interdit. On n’exportait pas le charbon de bois et ça n’aura pas de conséquences sur les commerçants de produits forestiers. La consommation était essentiellement nationale à 80%, donc ces commerçants n’ont pas la capacité d’exporter de grandes quantités. Mais plus on exporte le charbon et plus vite, on détruit la forêt. Donc, lorsque des exportateurs vont se mettre dedans, ça va être une exploitation à grande échelle. On est dans un contexte de changement climatique, il faut protéger nos forêts. Il faut donc carrément interdire ça.
- Vous semblez donc être très favorable pour la décision prise par le gouvernement, quel serait-être votre mot à l’endroit des différents acteurs de cette filière ?
Au niveau de l’acteur principal, État, il faut que les mesures d’accompagnement soient mises en place très rapidement pour favoriser la mise en œuvre effective, c’est-à-dire exonérer l’importation des équipements de transformation de pointe, réduire le coût d’énergie pour les entreprises qui transforment le bois, et aussi voir pour les plantations domaniales le coût de revient des matières premières. Car, la qualité de certaines matières premières n’est pas bonne, mais lorsque vous les vendez à un prix sérieux, on transforme, c’est zéro profit là-dessus.
Et puis pour nous acteurs, si nous donnons de la valeur ajoutée, nous allons créer de l’emploi, nous allons gagner plus en vendant sur des marchés où le bois est payé plus cher. Lorsque nous exportons brut, nous envoyons le job au pays de destination, et nous ici, on n’a même pas les débits pour faire le fagot et bénéficier de tous ces atouts. Donc, nous devons prendre conscience, et j’invite tous les acteurs d’ailleurs à aller dans ce sens.
Ceux qui ont de petites installations n’ont qu’à penser à aller vers les banques pour monter des dossiers, et surtout à ce niveau-là, le gouvernement doit favoriser les conditions pour que les banques aussi accompagnent ces acteurs-là.
Jean-Baptiste HONTONNOU