PROMOTION DE LA FILIÈRE PATATE DOUCE : Où en sommes-nous au Bénin ?
La patate douce troisième racine tuberculeuse produite au Bénin après le manioc et l’igname, elle est une plante très riche en éléments nutritifs, en vitamines et en minéraux. Au Bénin, sa culture reste abondante dans plusieurs zones, mais elle souffre d’une exploitation carencée, ce qui constitue un frein pour l’essor de la filière.
Marie Chantal GBOGBO
Originaire d’Amérique centrale ou du nord-ouest de l’Amérique du Sud, la patate douce est aujourd’hui présente dans les régions tropicales et subtropicales où on la cultive pour ses tubercules comestibles de couleurs et formes variées. Au Bénin, l’espèce est largement cultivée sur toute l’étendue du territoire national et ce, pendant toutes les périodes de l’année. Selon la Direction de la Statistique Agricole (DSA), la filière patate douce occupe la troisième position avec 56.590 T en termes de productivité derrière l’igname et le manioc. Son rendement 5340 kg/ Ha fait un peu moins le triple du rendement de la pomme de terre. Connue comme une culture qui assure la sécurité alimentaire, sa consommation constitue une source inépuisable d’éléments nutritifs (glucides, protides, lipides, fibres), de vitamines (A, B1, B2, B3, B5, B6, C), et de minéraux (potassium, cuivre, calcium, fer, iode, magnésium, manganèse, phosphore, sodium, zinc…). Sa composition chimique et ses modifications à la cuisson, en font un aliment énergétique. Elle est transformée au Bénin sous diverses formes selon les propos de Angèle TAWARI, transformatrice agroalimentaire,
« elle est transformée en chips bien évidemment sous plusieurs formes et sous plusieurs saveurs. Également, elle est transformée en farine pour en faire de la bouillie ou de la pâte ».
Malgré les atouts incontestables de ce tubercule, il n’est pas suffisamment exploité au Bénin. Mais le constat est tout autre dans certains pays voisins. Même en Asie, elle constitue une véritable richesse.
Des avancées de la patate douce à l’échelle régionnale
Au Ghana, Bobby Gyesi, exportateur de la patate douce dans la revue fresh plaza a expliqué avoir formé une association avec d’autres fermes du pays pour un seul objectif : se faire une place plus importante sur le marché. Selon ses propos, en raison du conflit russo-ukrainien, les conditions d’exportation ont été rendues plus difficiles toute fois ils poursuivent la production à pleine échelle, en raison de la demande européenne et moyen-orientale. De même au Burkina Faso, la patate douce fait pratiquement sa propre publicité et les superficies de production sont en constante croissance. Car, d’après FLYER BURKINA FASO 02, c’est une culture qui produit beaucoup plus de nourriture par jour que le maïs, le manioc ou l’igname.
Dans d’autres pays de l’Afrique, une fraction des récoltes de la patate douce contribue directement à la fabrication des boissons dans des confiseries traditionnelles fabriquées de façon artisanale. Et en guise de la cerise sur le gâteau, un ingénieur agronome au Niger au de nom Souleymane Djibo a relevé le défi de transformer la patate douce en jus et en a fait son activité principale génératrice de revenus. Par ailleurs, une étude de Tropicultura en 2019, révèle que la patate douce est non seulement une culture alimentaire importante mais aussi une source de revenus en Côte d’Ivoire. Elle est cultivée sur tout le territoire avec une production annuelle, auto-consommée, qui est d’environ 50 000 tonnes (19). Comparativement au Bénin, cette filière connaît une importante croissance à l’échelle régionale, ce qui porte à croire que sa promotion serait passée aux oubliettes. Néanmoins, il est important de savoir que les acteurs de la recherche œuvrent vaille que vaille pour relever le défi.
Des avancées à l’échelle nationale
« Outre la transformation de la patate douce en farine et en chips, le Programme Technologie Agricole et Alimentaire (PTAA) mène des réflexions pour promouvoir la patate douce en couscous ainsi qu’en d’autres forme de transformation »
affirme Valère DANSOU, Attaché de recherche à l’INRAB. Ce projet demeure toujours une idée qui ne sera qu’une réalité que dès sa mise en œuvre effective. Pour faciliter la tâche au producteurs, la recherche a eu à mener certaines actions notamment le suivi technologique à partir des transformateurs actuels pour voir leurs contraintes, la distribution des trancheuses pour une coupure efficiente de la patate douce et le don des séchoirs pour éviter toute contamination par les mouches, la poussière etc.
Quelques défis à relever
Aujourd’hui la filière patate douce fait face à quelques défis qui entravent son essor et qu’il faut relever. Du côté de la recherche, il est démontré que le tubercule « regorge de l’eau et donc il pourrit vite ». Ainsi, la recherche doit travailler à développer les nouvelles variétés parce qu’il y a « des patates douces à cycle court qui pourrissent très vite alors qu’il y a des anciennes variétés (à Bonou dans la Vallée) que les producteurs ont conservé et qui durent six mois voire un an ». Les patates qui sont produites aujourd’hui sont gâtées en deux semaines ou un mois au plus tard. Il faudrait donc penser à comment conserver les nouvelles productions. Pour cela, que ce soit au niveau des producteurs comme des acteurs de la recherche, il y a encore du pain sur la planche. Il est important que les producteurs, de leur côté, améliorent leur rendement pour rendre beaucoup plus disponible la matière première car sans elle, ceux qui travaillent au niveau de la chaîne post production seront inactifs. Quant aux acteurs de la recherche, ils doivent trouver des stratégies pour conserver les nouvelles variétés de patate douce et diversifier les chaînes de valeur ainsi que les autres formes de transformation en les améliorant. La filière a donc besoin d’une organisation solide. Tant au niveau de la production que de la transformation, il faut réfléchir davantage pour mettre les petits plats dans les grands afin de tirer tous les profits de cette filière.