Présent au SPACE 2025 à Rennes en septembre dernier, Urbain Brito, Directeur de la Production Halieutique, insiste sur l’urgence de réduire la dépendance du Bénin aux importations de poissons. Nouvelles espèces piscicoles, aliments compétitifs à base des matières locales, villages aquacoles et coopération internationale, telles sont les pistes envisagées pour faire du pays un acteur majeur dans l’aquaculture africaine.
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Avec votre participation au SPACE, est-ce qu’il y a des actions phares que vous pensez qu’il peut importer pour ce sous-secteur au niveau du ministère une fois rentré au pays ?
Le SPACE, quand on y vient, on découvre. C’est en cela que je voudrais saluer notre ministre, le ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche du Bénin, Son Excellence Monsieur Gaston DOSSOUHOUI, qui a su trouver la phrase qui convient le mieux. Il dit : « Voir une seule fois vaut mieux qu’en entendre parler plusieurs fois ». Il faut quand même venir voir le SPACE pour savoir ce qui se passe. Et ceci répond vraiment à nos attentes, et plus encore.
Sauf que les défis auxquels je suis confronté en venant au salon ne sont pas à la même taille que ce qu’on peut voir dans l’élevage. Aujourd’hui, le Bénin, pour satisfaire les besoins en protéines d’origine halieutique de la population, est dépendant presque entièrement des produits d’importation. Et notre défi, c’est de pouvoir produire au niveau national, amener le niveau de production à un degré où l’on pourrait renverser un tant soit peu cette tendance de dépendance aux importations. C’est-à-dire, même si on ne peut pas dire qu’il y aura des importations zéro, c’est qu’on puisse satisfaire au moins 40 à 50 % des besoins. Puisque la production nationale en aquaculture seule avoisine les 4 000 à 5 000 tonnes, et la production naturelle, c’est-à-dire la pêche ou les récoltes, tourne autour de 45 000 tonnes. Donc, on est autour de 50 000 tonnes. Ce qui fait que sur un besoin total d’environ 200 000 tonnes, vous voyez bien qu’on n’est pas encore au quart. Donc, il nous reste à faire.
Et c’est en cela qu’en venant au salon, nous espérons avoir des solutions qui pourraient répondre à nos besoins. C’est-à-dire avoir des espèces piscicultivables qui pourraient se substituer aux produits importés, et faire de la pisciculture autrement, notamment la mariculture que nous ne faisons pas encore aujourd’hui. L’aquaculture marine, avec d’autres espèces telles que des poissons qui s’apparentent aux bars et autres chinchards, se produit facilement en pisciculture. Nous, aujourd’hui, nous n’avons que des espèces que nous cultivons : le clarias et le tilapia. Il y a une troisième espèce qui est en phase expérimentale, c’est le pengasius qui arrive peu à peu. Nous sommes en train d’expérimenter cette espèce en culture au Bénin.
Ici, pendant mon séjour, j’ai pu rencontrer parmi tous les exposants à peine trois à quatre sociétés qui peuvent nous aider et nous accompagner. Notre défi, c’est d’avoir à côté de ces espèces un aliment compétitif qui puisse se produire ou se fabriquer à base de nos produits locaux : des matières premières issues de l’agriculture nationale, comme les céréales, pour pouvoir produire un aliment extrudé et compétitif, qui permettra aux acteurs de produire dans la rentabilité.
Je crois qu’avec ce que nous avons vu, on est en train de parler un langage qui nous permet d’aller vers un partenariat. Ils vont bientôt nous envoyer un courrier, descendre au Bénin, aller voir ce qui existe, car on ne peut que bâtir sur ce qui existe, faire un bon diagnostic et, ensemble, travailler avec tous les projets qui sont déjà en cours au Bénin. Vous n’êtes pas sans savoir que le pays développe aujourd’hui un grand projet, le Projet de promotion des chaînes de valeur aquacoles (Promac). À travers ce projet, nous comptons mettre en place des villages aquacoles, qui vont regrouper de petits acteurs sur un même site.
Par exemple, un village aquacole peut couvrir 50 hectares d’étangs et regrouper les producteurs sur ce site, avec un agrégateur. Lorsque vous produisez, il y aura quelqu’un pour collecter et redistribuer ces produits sur le marché. Nous allons également mettre en place des cages flottantes sous forme de villages aquacoles, également à travers ce même projet. Donc beaucoup de choses sont à faire, et beaucoup d’initiatives existent déjà au Bénin à travers les actions de notre gouvernement actuel, qui a vu juste en investissant dans ces sous-secteurs pour sortir les acteurs de la précarité dans laquelle ils se retrouvent.
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Est-ce que le DPH peut être rassuré que tous nos cours d’eau, du sud au nord du Bénin, seront bientôt exploités dans cet objectif ?
Pas tous, parce que le Bénin a un potentiel aquacole très élevé. Nous l’avons estimé à près de 69 000 hectares de sites potentiels à l’aquaculture ou à la pisciculture. Il faudrait maintenant faire des études pour voir quel site aborder en premier, lequel mettre en priorité, et quels aménagements seraient nécessaires pour y développer des activités aquacoles rentables, qui ne nécessitent pas trop de coûts ni trop d’investissements. Beaucoup d’efforts sont en cours, et je suis sûr que dans le temps, nous pourrons atteindre nos objectifs.
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Est-ce que la question de la formation des jeunes fait partie des priorités ?
Oui, ça fait partie des priorités. Comme je l’ai dit, et comme le répète souvent le ministre : « De bons hommes font du bon travail ». Il faut donc que nous puissions coupler la formation à la pratique. Il est nécessaire d’amener les étudiants à créer un creuset d’échanges d’expériences entre les étudiants du Bénin et ceux d’ici. C’est une priorité pour nous.
Des gens viendront en stage sur les sites. C’est d’ailleurs pour cela que vous voyez que dans notre équipe, il n’y a pas que l’administration. Il y a aussi des opérateurs économiques. Tout cela vise à mettre sur pied un micro-projet, dont nous avons déjà discuté ce matin avec la commissaire, madame Anne-Marie Quéméner, concernant la faisabilité et l’opportunité d’une coopération ou d’un partenariat avec le SPACE dans ce sens.
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Un appel pour conclure cet entretien ?
Ce ne serait pas un appel, mais plutôt un remerciement à l’endroit du ministre. Mon souhait est que cela puisse se poursuivre, et que les notes conceptuelles que nous allons élaborer dans ce sens soient valorisées par nos décideurs. Nous, en tant techniciens, nous allons proposer. Et c’est aux décideurs de prendre en compte.


