TRANSPORT DES PRODUITS AGRICOLES AUX MARCHES EN PÉRIODE DE PLUIE : La dégradation des routes comme une adversité
La dégradation des routes complique l’accès aux marchés des producteurs agricoles du monde rural. Ce qui affecte l’économie rurale et le fonctionnement du secteur agricole ainsi que la sécurité alimentaire.
Innocent AGBOESSI (stag)
Le transport facile des produits agricoles aux marchés est essentiel pour les agriculteurs. Il leur permet de vite vendre leurs produits, de générer des revenus et de réinvestir dans leurs exploitations. Cependant, de nombreuses voies de communication rurales sont souvent délabrées, avec des routes parsemées de nid-de-poule et de fissures profondes. Les routes en terre battue communément appelées « terre rouge », deviennent impraticables en saison des pluies et poussiéreuses en saison sèche. Le manque de drainage adéquat, les ponts endommagés et l’absence de signalisation augmentent les risques et rendent ces routes dangereuses. L’entretien irrégulier quant-à lui, aggrave la situation, puis entrave le développement économique et social des communautés rurales.
Aussi, la mauvaise qualité des routes contribue significativement aux pertes post-récolte. The Food and Agriculture Organisation ( Fao) estime à cet effet, que 30 à 50% des produits agricoles sont perdus entre la récolte et la consommation dans les pays en développement, en grande partie à cause des conditions de transport inadéquates. Par exemple, les fruits et légumes peuvent perdre jusqu’à 20% de leur valeur en raison des dommages subis pendant le transport sur des routes en mauvais état.
Les routes dégradées limitent également l’accès des agriculteurs aux marchés urbains plus lucratifs. Une étude de l’International Food Policy Research Institute (IFPRI) a montré que les agriculteurs situés à plus de 5 kilomètres de routes praticables vendent 50% moins de leur production que ceux situés plus près. En conséquence, leurs revenus sont considérablement réduits, affectant leur capacité à investir dans des technologies agricoles améliorées et augmentant des pertes considérables.
Selon Fadonougbo George, un cultivateur d’anacarde de Kétou-Adakplamè, les infrastructures routières dégradées découragent les investissements dans l’agriculture. À l’en croire, « la difficulté d’accès aux marchés incite les agriculteurs à se concentrer sur des cultures moins périssables mais aussi moins rentables ». Ainsi, la mauvaise qualité des routes affecte non seulement les producteurs mais aussi les consommateurs car l’accès limité aux produits frais conduit à une diminution de la diversité alimentaire et à une augmentation des prix des denrées alimentaires. En Afrique, la mauvaise infrastructure routière est un facteur clé dans l’insécurité alimentaire, affectant environ 25% de la population rurale, selon la FAO.
Dans de nombreuses régions, la dégradation des infrastructures routières a un impact significatif sur les prix des produits agricoles. En Côte d’Ivoire par exemple, les noix de cajou, qui pourraient se vendre à 1 000 Fcfa par kilogramme, voient leur prix chuter à 700 Fcfa ou moins en raison des difficultés d’accès aux marchés. De même, au Kenya, le maïs, qui se vendait normalement à 30 KES par kilogramme, se vend souvent à 20 KES ou moins dans les zones rurales à cause des routes dégradées. En Ouganda, les producteurs de café subissent des pertes allant jusqu’à 30 % de la valeur de leurs grains en raison des retards de transport causés par les routes impraticables, affectant ainsi la qualité et la compétitivité de leur café sur les marchés internationaux.
Pour une économie saine et un bon fonctionnement du secteur agricole, il est important d’améliorer l’accès aux marchés et réduire les impacts négatifs de la dégradation des voies sur les produits agricoles. Pour y arriver, il serait crucial d’investir dans la réparation et l’entretien réguliers des routes rurales, d’encourager les coopératives de transport, et de développer des infrastructures de stockage locales. L’adoption de technologies mobiles pour fournir des informations sur les prix et les meilleures pratiques agricoles peut aussi aider les agriculteurs à optimiser leurs ventes. Enfin, les partenariats publics-privés peuvent mobiliser des ressources pour ces initiatives, en créant un environnement propice à la croissance économique au niveau du monde rural.