ÉVOLUTION DES DIFFÉRENTES SOUCHES DU VIRUS MPOX : Quel risque pour l’Afrique et le reste du monde ?

  Ce qui était autrefois considéré comme une maladie rare et localisée est devenu une menace sanitaire majeure, avec des implications qui dépassent les frontières du continent africain. L’évolution des différentes souches du virus, appelées clades, pose des questions cruciales sur la gravité et la contagiosité de la maladie.

Innocent AGBOESSI

Le virus Mpox ne se manifeste pas de la même manière partout. On observe actuellement trois épidémies différentes, chacune liée à un clade spécifique du virus : clade 1a, clade 1b et clade 2.

Le clade 1a, présent depuis plus de dix ans dans l’ouest et le nord de la République démocratique du Congo (RDC), est principalement transmis par la consommation de viande de brousse infectée. Cette souche touche particulièrement les enfants et les communautés rurales. Malgré sa longévité, l’épidémie de ce clade reste confinée aux régions précitées, ce qui limite son impact global.

Le clade 1b, en revanche, est la nouvelle variante qui inquiète les autorités sanitaires. Apparue en septembre 2023 dans l’est de la RDC, cette souche s’est propagée rapidement vers les pays voisins, tels que le Burundi, le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda. Ce clade se distingue par une propagation facilitée par les réseaux de transport et le commerce sexuel, mettant en lumière des dynamiques socio-économiques complexes qui exacerbent la diffusion du virus.

Enfin, le clade 2, qui a fait le tour du monde en 2022, est celui qui a touché principalement les communautés homosexuelles, bisexuelles, et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Bien que cette épidémie soit actuellement sous contrôle relatif, elle n’est pas totalement éradiquée, laissant planer le risque d’une nouvelle recrudescence.

Une propagation sans connaissance de frontières

L’inquiétude croissante concernant le Mpox réside dans le fait que ces clades pourraient se répandre bien au-delà de l’Afrique. Le clade 1b, par exemple, est génétiquement distinct et pourrait muter pour devenir plus contagieux. Bien que les preuves manquent encore pour confirmer cette hypothèse, la possibilité d’une adaptation du virus à de nouveaux hôtes et environnements ne peut être exclue.

Les experts, tels que Jake Dunning, consultant et professeur agrégé clinique honoraire en maladies infectieuses au Royal Free, et chercheur principal à l’institut des sciences pandémiques de l’Université d’Oxford appellent à la prudence mais rejettent les comparaisons hâtives avec le Covid-19. « Nous devons éviter le piège de penser qu’il s’agit d’une nouvelle pandémie mondiale, » explique-t-il. Toutefois, l’émergence de cas isolés en dehors de l’Afrique, comme en Suède, souligne le besoin d’une vigilance accrue.

La réponse mondiale à l’épidémie de Mpox se doit d’être proportionnelle à la menace. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré une urgence de santé publique de portée internationale, mais des défis subsistent, notamment en ce qui concerne la distribution équitable des vaccins. Les vaccins antivarioliques actuels offrent une protection contre le Mpox, mais leur accès reste limité dans les régions les plus touchées en Afrique.

La priorité doit être donnée au contrôle des épidémies à leur source, dans les régions comme l’est de la RDC, où la situation est exacerbée par des conflits armés et des crises humanitaires. « Il est crucial de fournir une réponse massive et coordonnée pour empêcher la propagation de cette nouvelle souche, » déclare Leandre Murhula Masirika, coordinateur de la recherche en RDC.

La propagation des différentes souches du Mpox rappelle que le monde est encore vulnérable aux épidémies. Bien que le scénario d’une pandémie mondiale reste peu probable, la communauté internationale doit rester vigilante. L’expérience acquise lors de la crise du Covid-19 doit servir de guide pour éviter une nouvelle catastrophe sanitaire. Contrôler l’épidémie à sa source, assurer une distribution équitable des vaccins et renforcer la surveillance mondiale sont des mesures indispensables pour prévenir une nouvelle crise.