Au Bénin, le prix de la survie reste trop élevé
Chaque année, au mois d’octobre, le Bénin se pare de rose pour sensibiliser à la lutte contre le cancer du sein. Mais derrière les campagnes de dépistage et les messages d’espoir, de nombreuses victimes continuent de mourir dans le silence, incapables d’accéder à un traitement faute de moyens financiers.
Le cancer du sein demeure la première cause de mortalité chez la femme béninoise. VOA Afrique rapporte dans son article publié le 21 octobre 2024 que près de 70 % des cas sont diagnostiqués à un stade avancé, compliquant ainsi la prise en charge et augmentant le taux de mortalité. Au moins 1 500 cas ont été diagnostiqués dans le pays, dont environ 700 décès, soit un taux de mortalité estimé à 50 %.
Une étude menée au Centre Hospitalier Universitaire de la Mère et de l’Enfant Lagune (CHU-MEL), citée par TRT Afrika fin octobre 2023, révèle qu’au Bénin, sur dix femmes atteintes du cancer du sein, cinq à six en meurent, faute de diagnostic précoce et de moyens de traitement adaptés.
Toujours selon cette étude, en 2020, pour une population d’approximativement 11 millions d’habitants, 1 066 cas de cancer du sein ont été enregistrés, et 70 % des femmes consultent lorsque la maladie est déjà très avancée.
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Des vies suspendues au coût des soins
Ces statistiques prennent tout leur sens à travers les récits poignants des victimes. Shamy HOUNKPEGAN, victime du cancer du sein, raconte : « un jour, je me suis réveillée avec une douleur dans mes seins et j’ai remarqué un nodule. Mes seins avaient un aspect bizarre et me brûlaient à l’intérieur, j’avais tellement mal du coup, j’ai informé mes parents. Après avoir consulté la médecine traditionnelle sans succès, j’ai finalement été envoyée à l’hôpital. Après l’échographie, le médecin m’a dit qu’il fallait m’opérer rapidement, sous prétexte que j’étais victime du cancer ». Pour elle, la solidarité de ses camarades a été déterminante. « Si je suis encore en vie aujourd’hui, c’est grâce à la volonté divine », confie-t-elle, après qu’une collecte de fonds lui a permis de payer son opération.
D’autres n’ont pas eu cette chance. Jane KOUKPAKI, 37 ans, a commencé à ressentir des douleurs et a découvert une masse dans son sein. Elle s’est rendue au Centre Hospitalier Universitaire de la Mère et de l’Enfant – Lagune (CHU-MEL), où le diagnostic de cancer a été confirmé en février. Le médecin lui a prescrit un traitement urgent, mais faute de moyens financiers, elle n’a pu commencer les soins qu’en novembre. Elle explique « Les traitements sont très coûteux et je n’ai personne pour m’aider, ce qui m’a obligée à attendre plusieurs mois pour réunir les fonds nécessaires. » Pendant cette longue attente, sa santé s’est gravement détériorée. Comme elle, de nombreuses femmes voient leurs chances de survie réduites simplement parce qu’elles ne peuvent pas payer.
Un combat national, mais encore inégal
Conscient de la gravité de la situation, le gouvernement béninois a renforcé son engagement à travers le Plan National de Lutte contre les Cancers (PNLC 2024–2028). Sous la coordination de la Direction Générale de la Médecine Hospitalière et des Explorations Diagnostiques (DGMHED), le ministère de la Santé travaille en collaboration avec toutes les directions centrales et techniques, sous la supervision du Cabinet, pour améliorer la prise en charge des patients.
Le plan, élaboré avec une large participation nationale et le soutien d’organismes internationaux tels que l’AIEA et l’OMS, constitue un levier stratégique pour la mobilisation des ressources nécessaires. Il vise à construire un système performant et résilient de lutte contre les cancers, fondé sur la disponibilité permanente de soins complets, intégrés et de qualité, accessibles à tous, et à garantir la pleine participation de la communauté.
Cependant, malgré cette volonté institutionnelle, la réalité économique reste un frein. Beaucoup de patientes ne peuvent toujours pas assumer le coût des examens, des interventions chirurgicales ou de la chimiothérapie.
Octobre Rose : sensibiliser, mais jusqu’où ?
La campagne Octobre Rose permet chaque année d’intensifier les messages de prévention et de dépistage précoce. Dr Kouassi, gynécologue obstétricien, rappelle que le cancer du sein « fait partie des cancers génitaux-mammaires. Il précise que lorsqu’il y a un déficit ou un déséquilibre dans l’apport d’hormones comme l’œstrogène et la progestérone, le sein peut être fortement affecté. », il insiste que « Plus le cancer est détecté tôt, plus les chances de survie sont élevées. »
Mais sensibiliser ne suffit pas, avertissent les associations. Sans une prise en charge opérationnelle et un accompagnement social renforcé, beaucoup continueront de mourir faute de moyens, dans l’indifférence générale. La lutte contre le cancer du sein ne se gagne pas seulement dans les hôpitaux, mais aussi dans les politiques publiques et la solidarité collective.
Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes ne meurent pas du cancer du sein… mais du manque d’argent pour le soigner.
Mystéria ALLAHIZI