GENRE ET CHANGEMENTS CLIMATIQUES: « La stratégie du ProAgri intègre déjà les questions d’adaptation aux changements climatiques » dixit Charles DOSSOUMOU
A l’heure actuelle, l’intégration du genre dans la promotion des filières agricoles est une question cruciale. A cela s’ajoute les défis liés à l’adaptation aux changements climatiques. Face à ces enjeux majeurs, le ProAgri mis en œuvre par la GIZ développe une belle approche. C’est ce qu’explique Charles DOSSOUMOU, Conseiller Technique Capitalisation et Genre du ProAgri 4 dans cet entretien.
Bonjour monsieur, Veuillez-vous présenter à nos lecteurs !
Bonjour monsieur le journaliste. Je me nomme Charles DOSSOUMOU, je suis le conseiller technique pour la capitalisation et le genre au ProAgri4/ GIZ.
Selon vous, quel lien peut-on établir aujourd’hui entre le genre et les changements climatiques ?
Il est connu de tous que les changements climatiques ont une influence négative sur les activités agricoles, aggravant ainsi la vulnérabilité de groupes défavorisées de la communauté. En général, les acteurs du secteur agricole dans leur ensemble sont préoccupés par la question et multiplient les réflexions et approches aux fins d’atténuer les effets néfastes sur la performance de l’agriculture, des approches qui permettent une meilleure adaptation à la situation créée par les changements climatiques, de sorte à améliorer la résilience des populations rurales. Les femmes et les jeunes sont doublement frappés par cette situation car les conditions de départ (accès aux ressources et autres pesanteurs sociales) leur étaient déjà défavorables puis à cela s’ajoutent les effets des changements climatiques. Les actions de promotion du genre devront donc intégrer ces aspects pour pouvoir impacter durablement les franges défavorisées et spécifiquement les femmes actives dans les chaînes de valeur agricoles, on parle d’approches transformatrices du genre.
Comment la GIZ travaille-t-elle à intégrer le genre dans ses stratégies d’adaptation aux changements climatiques au niveau du ProAgri4 ?
Parlons plutôt de ProAgri4/GIZ car la GIZ met en œuvre au Bénin plusieurs projets dans le secteur agricole, bien entendu chaque projet avec sa spécificité. Le ProAgri, qui est à sa 4ème phase et en même temps phase de capitalisation et de sortie, appuie spécifiquement les filières agricoles.
Cela dit, il s’agit d’intégrer le genre dans la promotion des filières agricoles de manière holistique. La stratégie du ProAgri intègre déjà les questions d’adaptations aux changements climatiques. Abordant la question du genre, le ProAgri l’intègre via une approche transformatrice du genre dans la promotion des chaînes de valeurs agricoles. Dans la pratique, cela s’est traduit par des analyses genre dans les filières ; ces analyses ont contribué aux choix de filières prioritaires promues jusqu’à cette 4ème phase en occurrence le riz, le soja et le karité, qui sont des filières avec une intense activité féminine d’abord dans la transformation puis dans une moindre mesure dans la production. Ces analyses ont permis donc d’orienter les actions vers des axes qui concourent à l’autonomisation des femmes et à une meilleure implication dans le développement économique et social au niveau local. Une action phare du ProAgri4 qui intègre le genre et l’adaptation aux changements climatiques que je pourrai relever ici en exemple est l’intensification de la culture du riz avec l’approche Smart Valleys. C’est une approche qui intègre un aménagement sommaire de bas-fonds de manière participative avec les communautés, un appui matériel pour la mise à disposition d’intrants et un renforcement de capacité. L’objectif est de faciliter la résilience de la production du riz aux effets du changement climatique et d’augmenter en même temps la productivité de la culture du riz. L’approche a pour avantage d’être peu couteuse et reproductible de façon autonome par les populations. Une autre action phare est l’intégration des femmes transformatrices dans les marchés à travers les Agribusiness Cluster pour augmenter l’appropriation des approches économiques et améliorer les revenus, toutes choses qui concourent à renforcer leur résilience.
Quels sont les acquis enregistrés dans ce domaine par le ProAgri4 ?
Restons avec l’approche Smart Valleys pour dire que la méthode a fait ses preuves, le ProAgri y travaille depuis 2017 et actuellement 78 sites sont en exploitation avec une superficie totale de 362 ha et 2230 exploitants y sont actifs dont 85{e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} de femmes. Les résultats sont spectaculaires : les rendements de riz sont allés de 1 T/ha au départ à 3,5 T/ha la deuxième année après démarrage, le revenu moyen par femme s’élève à 255.000 Fcfa par campagne de production. Par ailleurs, les conditions de durabilité ont aussi été créées car il existe de l’expertise chez des prestataires disponibles sur le plan local pour un accompagnement des populations désireuses de se lancer ; les conditions sont aussi créées pour un apprentissage entre communautés et enfin les autorités communales sont bien sensibilisées et prennent même des initiatives d’essaimage, c’est-à-dire de réplication dans d’autres communes.
Quelles sont vos perspectives sur l’intégration des questions du genre dans l’adaptation et la lutte contre les changements climatiques ?
Nous sommes dans la capitalisation pour une meilleure appropriation des approches et méthodes promues par les acteurs du système permanent, le système permanent comprend l’ensemble des acteurs qui restent après la fin d’un projet ; la pérennisation des acquis repose sur ces derniers, il s’agit des ATDA (Agence Territoriales de Développement Agricole), des DDAEP (Direction Départementale de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche), des communes, des OPA (Organisation Professionnelle Agricole) et des structures prestataires agrées du conseil agricole. Nous déroulons ensemble le programme triennal du ProAgri4 pour aboutir à la sortie ; ensemble dans une approche d’apprentissage et non d’implication. Ce programme comprend les approches du genre telles que nous avons expliquée plus haut.
Dans cette optique, nous accompagnons ces partenaires dans la capacitation à rechercher des financements diversifiés en explorant les opportunités offertes par différents fonds spécialisés, sur le plan national comme international.
Charles DOSSOUMOU, merci !
Propos recueillis par Cédric Joawo BAKPE