Le Bénin rebrousse chemin
(Les aviculteurs dénoncent une influence prépondérante des lobbies d’importateurs)
À compter du 31 décembre 2024, il ne devait plus y avoir d’importations de produits congelés au Bénin. C’était la décision du gouvernement. Pourtant, quelques mois plus tard, ces produits sont toujours disponibles dans les poissonneries et vendus aux clients. Cette décision n’est pas encore entrée en vigueur. Que s’est-il passé ? Où en sommes-nous ? Lors de sa conférence de presse hebdomadaire, Wilfried Léandre Houngbédji, porte-parole du gouvernement, est revenu sur cette mesure en apportant des précisions.
Prévue pour le 31 décembre 2024, l’interdiction d’importer des poulets congelés au Bénin a finalement été reportée. Selon le porte-parole du gouvernement, cette décision vise à préserver l’équilibre du marché et à éviter une flambée des prix. Il a expliqué que les producteurs locaux ne sont pas encore en mesure de couvrir l’ensemble de la demande nationale. Pour éviter une rupture d’approvisionnement, une période transitoire a été mise en place.« L’objectif est de permettre aux acteurs locaux de se renforcer progressivement, tout en garantissant aux consommateurs des prix abordables », a-t-il précisé.
Wilfried Léandre Houngbédji a également souligné que les producteurs locaux doivent encore accroître leur capacité avant que l’interdiction ne prenne pleinement effet. « Nous devons nous assurer que l’offre locale est suffisante pour répondre aux besoins des consommateurs », a-t-il indiqué.
Le gouvernement a donc opté pour un retrait progressif des importations, tout en soutenant la filière avicole à travers des subventions et des formations. En conséquence, les importations seront réduites progressivement, tandis que des initiatives de soutien aux éleveurs, notamment des aides financières et des sessions de formation, sont mises en place pour accélérer la production locale.
Grâce à ces mesures prises par le gouvernement, les importations diminuent déjà, et une réévaluation du calendrier d’interdiction est prévue d’ici fin 2025, en fonction des progrès enregistrés.
La réaction du monde de l’aviculture
Si la mesure est présentée comme une démarche prudente pour protéger l’économie nationale, elle n’est pas sans susciter des interrogations parmi les professionnels de la filière. Bonaventure Camille Azomahou, consultant de l’Interprofession de l’aviculture du Bénin (IAB), a dans un entretien accordé à Le Matinal exprimé son incompréhension face à ce moratoire. « Depuis l’annonce initiale en avril 2023, les acteurs du secteur ont eu près de deux ans pour se préparer, ce qui rend ce report surprenant », a-t-il souligné. Il y voit l’influence prépondérante des lobbies d’importateurs, qui, selon lui, créent une concurrence déloyale et perturbent le développement de la filière. Il a insisté sur le fait qu’aucun investisseur ne serait prêt à injecter des sommes importantes dans un secteur dans lequel la concurrence étrangère fausse le jeu économique.
Il appelle également à un signal fort du gouvernement pour rassurer les acteurs locaux et encourager l’investissement dans la production nationale. « Si le gouvernement ne montre pas clairement sa volonté de soutenir la filière, les acteurs ne verront pas leur investissement sécurisé, et l’essor de la production locale en pâtira », affirme-t-il.
La décision de reporter l’interdiction ne doit pas être interprétée comme un renoncement définitif, mais plutôt comme une stratégie d’ajustement pour garantir une transition en douceur. Tout en rappelant l’importance de la mesure pour stimuler la filière, Bonaventure Camille Azomahou, consultant de l’Interprofession de l’aviculture du Bénin (IAB), a souligné la nécessité d’un dialogue renforcé entre le gouvernement et les acteurs du secteur. Il en appelle directement au chef de l’État pour qu’il soutienne davantage les initiatives locales et crée un cadre propice aux investissements dans le secteur avicole.
En attendant, l’avenir de la filière avicole dépendra désormais de la capacité des acteurs locaux à répondre efficacement à la demande et des mesures incitatives qui seront mises en place pour favoriser leur développement.
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Justin ADANDE