PROTECTION DES OCÉANS : Un enjeu mondial joué sous la surface
NUMÉRISATION AGRICOLE : Des éventuels revers d’une dépendance des solutions numériques
Depuis que les nouvelles technologies ont connu une grande expansion dans le monde, aucun domaine d’activités humaines ne semble avoir la capacité de ne pas en dépendre. Celui de l’agriculture en tire énormément profits. Censées normalement aider l’agriculture à relever les nouveaux défis auxquels elle fait face, trop dépendre des solutions numériques pourrait être désavantageux pour le monde agricole.
Jean-Baptiste HONTONNOU
Ayant de grands défis à relever, l’agriculture est encore et toujours d’une part confrontée aux maladies des plantes, aux organismes nuisibles et aux mauvaises herbes. D’un autre côté, elle fait face à une forte consommation de pesticides, ce qui donne suite à des risques inédits tant pour les humains que pour l’environnement. Et pour en découdre, plusieurs sont les entreprises spécialisées dans les technologies agricoles ou les Startup évoluant dans le domaine numérique qui proposent une multitude de solutions pouvant aider à résoudre ces problèmes. Cette démarche a amené à créer le concept de « l’agriculture intelligente ou l’agriculture de précision ».
Selon un sondage, 82 % des exploitations agricoles en Allemagne se servent déjà des technologies numériques, 45 % des agriculteurs interrogés travaillent avec des machines agricoles pilotées par GPS, 40 % utilisent des applications pour smartphones ou tablettes et 32 % utilisent des technologies numériques pour appliquer des produits phytosanitaires ou des engrais à leurs cultures. Dans de nombreux pays en Afrique de l’Ouest, les solutions numériques dans l’agriculture sont de plus en plus utilisées pour améliorer l’efficacité, la productivité et la durabilité des pratiques. Nous avons par exemple les services de conseil agricole qui permettent aux agriculteurs d’accéder à des informations sur les cultures, les techniques agricoles, les prévisions météorologiques, les prix des produits agricoles via des applications mobiles, des messages SMS ou des plateformes en ligne. De même, il y a des solutions numériques qui aident les agriculteurs à gérer leurs cultures en fournissant des conseils sur les semences appropriées, les meilleurs pratiques de plantation, l’irrigation, la fertilisation, la lutte antiparasitaire, etc. Elles peuvent également aider à la surveillance des cultures à distance.
Alors, la réussite ou l’échec écologique à venir de la numérisation de l’agriculture dépendra de nombreux facteurs. Les chercheurs y voient par exemple la possibilité de réduire la consommation de pesticides certes, mais il convient toutefois de tenir compte de possibles effets rebond. Ces nouvelles technologies pourraient en effet provoquer une hausse de la consommation d’énergie ou favoriser l’expansion de l’agriculture intensive sur des terres qui ont jusque-là été allouées à la production extensive, qui n’ont pas été cultivées du tout ou qui présentent une valeur écologique. Selon l’Atlas des pesticides, un document qui renseigne sur les faits et chiffres sur les substances chimiques toxiques dans l’agriculture, les petits exploitants agricoles des pays à faible revenu risquent en outre d’être exclus de cette transformation par manque d’accès aux nouvelles technologies ou par manque de connaissances à leur sujet. En outre, la mise en place de solutions numériques dans l’agriculture peut nécessiter des investissements considérables en termes d’équipement, de logiciels et de formation, ce qui peut être difficilement accessible pour de nombreux agriculteurs. Dans le même temps, les systèmes numériques agricoles peuvent être exposés à des cyberattaques, ce qui peut compromettre la confidentialité des données, la sécurité des opérations et la protection des cultures. L’autre revers important de l’usage des solutions numériques en agriculture est la perte de savoir-faire traditionnel. L’adoption rapide des technologies numériques peut entrainer une perte de savoir-faire traditionnel dans l’agriculture, ce qui peut avoir un impact sur la transmission des connaissances et des pratiques agricoles ancestrales.
Tels sont donc en partie la panoplie de conséquences néfastes des solutions numériques dans le domaine agricole qu’il est important de prendre en compte. Aussi, est-il urgent de mettre en place des mesures appropriées pour atténuer les risques associés, car par exemple, les organisations de la société civile redoutent déjà une perte de souveraineté alimentaire, vu que les innovations technologiques transforment des terres aujourd’hui gérées sur le mode de l’agriculture familiale en sources de profits pour l’agro-industrie. Ainsi, une réglementation s’impose pour que l’agriculture numérique bénéficie non seulement aux entreprises, mais aussi aux individus et à l’environnement.