PRODUCTION DU FONIO EN AFRIQUE : Une céréale très peu exploitée, mais gage d’une sécurité alimentaire rassurante
Certaines céréales qui jouent un rôle primordial dans la lutte contre la faim et la sécurité alimentaire sont négligées de nos jours. Parmi celles-ci, figure le fonio, une céréale africaine qui, malgré son potentiel tant sur le plan agronomique que nutritionnel, reste très peu connu et cultivé.
Jean-Baptiste HONTONNOU
Originaire de l’Afrique de l’Ouest, le fonio est considéré comme la céréale la plus ancienne cultivée sur le continent. Également appelé « fonio paddy » ou « fonio brut », cette céréale dite « vêtue » a une aire de culture qui s’étend du Sénégal au Lac Tchad, mais c’est surtout en Guinée, dans les régions montagneuses du Fouta Djalon, qu’il constitue l’une des bases de l’alimentation des populations. On le rencontre également au Mali, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Sénégal, au Niger, au Bénin, au Togo et en Guinée- Bissau. Selon les statistiques du FAO en 2012, la production du fonio avoisinait 600 000 tonnes, ce qui constituerait une opportunité d’assurer l’alimentation de plusieurs millions d’êtres humains durant les mois les plus difficiles du point de vue des ressources alimentaires.
Le fonio, une céréale qui n’a rien à foutre des changements climatiques.
L’expérience a montré que le fonio pousse dans le sahel, une zone située au sud du désert du Sahara. Et vu qu’il n’y a pas beaucoup de choses qui germent dans cette zone, parce qu’il n’y a pas d’eau, le fonio gagne tout à fait son statut de céréale à laquelle les changements climatiques ne peuvent pas dicter leur loi. Il est donc apprécié pour sa résistance à la sécheresse et à des sols peu fertiles. Il est adapté aux conditions de croissance difficiles, ce qui en fait une culture importante pour les agriculteurs dans les régions arides d’Afrique de l’Ouest.
Ainsi, selon Christian Affokpe, Ingénieur de conception en technologie alimentaire au Bénin, pendant les quelques mois critiques de « soudure », le fonio devient alors « la graine de vie », et permet d’assurer une transition alimentaire vitale pour les populations lorsque les autres céréales sont encore immatures et que les réserves de l’année précédente sont épuisées. Du coup, elle est une espèce alimentaire dont sa culture abondante serait une plus-value pour la sécurité alimentaire en Afrique.
Richesse nutritionnelle de la céréale
D’abord, il faut souligner qu’il existe plusieurs variétés de fonio. Nous avons le fonio blanc (Digitaria exilis) et le fonio noir (Digitaria iburua). Celui blanc est le plus couramment consommé et cultivé. Parlant de sa valeur nutritionnelle, le fonio est considéré comme une céréale très nutritive. Il est riche en glucides, en fibres alimentaires, en acides aminés essentiels et en minéraux tels que le fer, le calcium et le magnésium. Il est également sans gluten, ce qui en fait une alternative intéressante pour les personnes atteintes de la maladie cœliaque ou sensible au gluten. Du côté de son utilisation culinaire, la graminée est souvent utilisée dans la préparation de plats traditionnels. Il peut être consommé comme accompagnement, similaire au riz, ou utilisé dans des soupes, des bouillies, des salades ou des desserts.
Le fonio a récemment gagné en popularité en dehors de l’Afrique en raison de ses qualités nutritives et de sa culture durable. Il est considéré comme une céréale prometteuse pour la sécurité alimentaire et la diversification des cultures.
La graminée du futur
Dans l’avant-propos du rapport 2023 de la FAO sur « l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde », le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, affirmait que « plus d’un quart de milliard de personnes sont aujourd’hui confrontées à des niveaux aigus de faim, et certaines sont au bord de la famine ». En 2022, la gravité de l’insécurité alimentaire aiguë est passée à 22,7%, contre 21,3% en 2021, ce qui souligne « une tendance à la détérioration de l’insécurité alimentaire aiguë dans le monde ». En effet, selon le même rapport, la grande majorité des habitants qui ont été confrontés à la famine et au dénuement en 2022 se trouvaient en Afrique. En réalité, l’on rencontre plus de la moitié de ces personnes en Somalie (57%).
Cette insécurité alimentaire n’a pas d’autres raisons. Elle est l’un des principaux risques associés aux effets pervers des changements climatiques et des guerres. Et pour remède, ce déclin des approvisionnements alimentaires aux niveaux mondial et local dus aux changements climatiques peuvent être compensés par le développement de variétés de plantes adaptées à des conditions climatiques changeantes. A ce niveau, entrent en jeu les stratégies d’adaptation aux changements climatiques qui impliquent sans doute la valorisation des espèces culturales négligées, surtout quand elles présentent des potentialités agronomiques, technologiques et nutritionnelles avérées. Dans ce contexte, une culture comme le fonio devrait compter pour l’Afrique de demain.