Agroécologie en Afrique de l’Ouest : Fer de lance d’une autonomie alimentaire malgré les obstacles
La question de la souveraineté alimentaire est cruciale en Afrique de l’ouest, où de nombreux pays sont confrontés à des défis tels que la faim, la malnutrition et la dépendance aux importations alimentaires. Dans ce contexte, l’agroécologie est souvent présentée comme une alternative durable et résiliente aux pratiques agricoles conventionnelles qui garantit une sécurité alimentaire et nutritionnelle. Comment est-elle perçue et quels sont les défis majeurs liés à ce système. Cédric Joawo BAKPE L’agroécologie est étroitement liée à la souveraineté alimentaire car elle vise à promouvoir des pratiques agricoles durables qui sont adaptées aux conditions locales. Elle favorise la production alimentaire locale, en utilisant des techniques qui sont respectueuses de l’environnement et qui réduisent la dépendance aux intrants chimiques. Les acteurs en charge de sa promotion dans la sous région ouest africaine se sont réunis en décembre dernier pour aborder les questions liées à sa large diffusion et les défis majeurs liés à cela. Il est à remarquer que la transition vers l’agroécologie en Afrique de l’Ouest est encore relativement lente, principalement en raison de la résistance des agriculteurs à abandonner les pratiques agricoles conventionnelles, ainsi que de la faible capacité des gouvernements et des organisations à soutenir la transition. Néanmoins, des progrès significatifs ont été réalisés dans plusieurs pays de la région, en raison des nombreuses initiatives qui visent à promouvoir l’agroécologie. Au Burkina Faso, par exemple, l’agroécologie a connu un certain succès, avec une augmentation de la production agricole et une amélioration de la qualité des sols. Le gouvernement burkinabé a mis en place des programmes de formation pour les agriculteurs, ainsi que des politiques agricoles favorables à l’agroécologie. Au Mali, l’agroécologie est devenue une pratique populaire parmi les petits agriculteurs. Les organisations paysannes sont très actives dans la promotion de l’agroécologie, en encourageant les agriculteurs à adopter des pratiques durables telles que la rotation des cultures, la gestion de l’eau et la plantation d’arbres. Au Sénégal, l’agroécologie est également en train de gagner en popularité, avec une augmentation de la production agricole et une amélioration de la qualité des sols. Le gouvernement sénégalais a créé des programmes pour soutenir la transition vers l’agroécologie, en mettant l’accent sur la formation des agriculteurs et la promotion de pratiques agricoles durables. Il en va de même pour le Bénin, où plusieurs initiatives sont prises pour soutenir les agriculteurs dans la transition agroécologique, mais elle est encore loin d’être généralisée. Au-delà de tout, « Il faut saluer la vitesse que ça a eu, en moins de 5 ans en termes de pratique des producteurs dans la sous-région », affirme Nadjirou Sall, Président du CNCR satisfait. Le Chargé de programme pour l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA), Famara DIEDHIOU, pense aussi « qu’il y a une très grande appropriation de l’agroécologie non seulement par les personnes qui la promeuvent, mais également par la population en général ». Il estime que l’agroécologie doit être un mode de vie, c’est pourquoi leur intervention est axée sur plusieurs axes. « Le premier axe concerne les questions foncières, c’est-à-dire la santé des sols pour une nourriture saine, le deuxième axe, ce sont les questions semencières pour éviter de dépendre de semences industrielles et promouvoir les semences paysannes, le troisième axe, ce sont les questions climatiques dont l’une des causes est liée à l’agriculture industrielle. Le deuxième axe, c’est les questions semencières pour éviter de dépendre des semences industrielles et promouvoir les semences paysannes. Le troisième axe, c’est les questions climatiques dont l’une des causes est liée à l’agriculture industrielle. Le dernier axe de travail concerne ce qu’on appelle les citoyens et la nutrition », précise-t-il. Le rôle crucial des organisations paysannes Les organisations de producteurs agricoles jouent un rôle clé dans la promotion de l’agroécologie en Afrique de l’Ouest. Elles sont souvent à l’avant-garde de la transition agroécologique, en promouvant des pratiques agricoles durables et en mettant en place des systèmes de équitables. On peut à ce titre citer l’Alliance pour l’Agroécologie en Afrique de l’Ouest (3AO) qui est une plateforme collaborative de coopération intersectorielle, de plaidoyer et d’activités de diffusion sur l’agroécologie dans la sous-région ouest-africaine. En son sein se trouve le Réseau des Organisations Paysannes et Producteurs de l’Afrique de l’Ouest. Avec les instances internationales, le dialogue n’a jamais cessé compte tenu de leur rôle déterminant d’influence des politiques. Mais les attentes sont encore loin d’être comblées. Prendre le contrôle de la production alimentaire Cette tâche n’est pas des moindres, mais elle incombe à chacun des acteurs pour qui la souveraineté alimentaire de l’Afrique est d’une importance capitale. En promouvant l’agroécologie à travers des pratiques agricoles durables, la sécurité alimentaire est renforcée, permettant aux agriculteurs de produire des aliments sains et nutritifs pour les populations locales. De plus, en utilisant des méthodes agricoles durables, ces agriculteurs peuvent améliorer la qualité des sols et préserver la biodiversité, ce qui contribue à assurer la durabilité à long terme de la production alimentaire. Enfin, l’agroécologie favorise la participation active des agriculteurs dans la prise de décision liée à la production alimentaire, ce qui renforce la souveraineté alimentaire en permettant aux communautés locales de prendre le contrôle de leur production alimentaire. Et pour cela, il faudra encore attendre car les défis liés à la transition agroécologique sont nombreux. Le véritable enjeu est « comment travailler pour être moins dépendant au niveau des matières premières, des intrants agricoles qui viennent de l’extérieur », souligne Thierno CISSE, coordonnateur du comité d’appui technique du CNCR. Avec une telle autonomie dans la capacité de production agrosylvopastorale et halieutique, la production alimentaire s’améliorera. Cela permettra d’avoir une alimentation saine et d’éviter les maladies actuelles. Pour cela, les acteurs étatiques et les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer car, comme le souligne Thierno CISSE, « l’agroécologie est un système et il faudrait une dynamique multi-acteur qui permet de répondre aux différentes fonctions de ce système ». Il est donc nécessaire de sensibiliser la grande masse sur l’importance de réorienter le système agricole, d’influencer les politiques et de définir le
MÉCONNAISSANCE DE L’ORIGINE ET LA QUALITE DES ALIMENTS CONSOMMÉS : Source de certaines maladies chroniques
La sécurité sanitaire des aliments est l’assurance que les aliments ne causeront pas de dommage aux consommateurs quand ils sont préparés et consommés conformément à l’usage auquel ils sont destinés. Pourquoi la sécurité alimentaire est-elle importante ? Quels sont les risques liés au désintéressement de l’origine des aliments ? Nous sommes ce que nous mangeons et il faut manger pour vivre et non vivre pour manger », disait Molière dans L’Avare. C’est pourquoi l’alimentation est importante pour la croissance de l’organisme. Cependant, ignorer l’origine de ces aliments et les conditions dans lesquelles ils sont préparés peut être dangereux, car cela constitue l’un des principaux facteurs de risque de maladies chroniques. Une mauvaise alimentation peut entraîner le développement de certaines maladies chroniques, telles que les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète et d’autres maladies liées à l’obésité. Selon le nutritionniste Cédric Zanvo, « les causes alimentaires des maladies chroniques sont liées à divers facteurs, notamment à l’ignorance de l’origine des aliments ». Pour contrôler l’origine des aliments, il existe des agences spécialisées dans tous les pays. Le contrôle des aliments relève du rôle des laboratoires qui, à l’aide de microscopes, peuvent identifier les microorganismes pathogènes et autres. Au Bénin, par exemple, il existe l’Agence Béninoise de Sécurité Sanitaire de l’Aliment (ABSSA), qui garantit la sécurité sanitaire des produits, ainsi que la police sanitaire, qui effectue des contrôles dans certains restaurants et hôtels. D’autre part, le citoyen lambda peut contrôler l’origine de l’aliment qu’il consomme en utilisant diverses stratégies. Les consommateurs illettrés qui ne s’intéressent pas à l’origine des aliments doivent faire attention à la propreté de leur environnement alimentaire. Il est également nécessaire de recourir à la norme HACCP, qui met l’accent sur les 5M : “la main-d’œuvre (tous ceux qui participent à la production de l’aliment doivent être propres pour ne pas contaminer l’alimentation), le milieu (le lieu où l’aliment est préparé, l’hygiène), le matériel (les ustensiles utilisés pour préparer l’aliment), la matière première (la qualité de l’aliment préparé) et la méthode (les procédés technologiques utilisés, la norme, la température et les conditions).” De plus, les consommateurs peuvent vérifier la qualité des aliments en étant attentifs à la date d’expiration des produits conservés. Pour finir, il est important de sensibiliser la population sur ces méthodes de vérification, qui vont au-delà des méthodes scientifiques. Pour y parvenir, la sensibilisation doit être à grande échelle et initiée par les autorités en charge du pouvoir public, dans l’intérêt de la santé des citoyens. Oyéyèmi AGANI
REMODELISATION DE L’AGRICULTURE EN AFRIQUE : Comment les gouvernants comptent-ils conquérir leur souveraineté alimentaire ?
Les décideurs africains, conscients de la nécessité de remodeler leur agriculture, ont avancé, à Dakar lord du Sommet Dakar, des pistes d’actions avec 65 {e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} des terres arables du monde. La crise alimentaire mondiale et l’inflation causées à la suite de la guerre en Ukraine et de la hausse des cours des céréales et de l’énergie a rendu d’une actualité pressante la recherche de l’autosuffisance alimentaire en Afrique. Fragile et dépendant, le continent africain rêve de renforcer sa souveraineté, alors que sa population augmente plus rapidement que sa production alimentaire. Le sujet est au cœur des préoccupations des dirigeants et des institutions, notamment la Banque africaine de développement, fer de lance de plusieurs initiatives. « Le temps de l’action est venu. L’heure est venue pour la souveraineté et la résilience pour l’Afrique », a lancé, Akinwumi Adesina, président de la BAD, qui a co-organisé avec l’État du Sénégal un sommet exceptionnel de trois jours centré sur le thème : « Nourrir l’Afrique : souveraineté alimentaire et résilience ». Le Nigérian a estimé depuis Diamniado, à l’Est de la capitale sénégalaise que « ce que l’Afrique fera dans l’agriculture déterminera l’alimentation du monde », va-t-il dit, rappelant à ce propos que « 65 {e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} des terres arables du monde sont en Afrique ». Une manière de souligner l’immense potentiel dont dispose l’Afrique pour résoudre cette crise aiguë, alors que plus de 283 millions d’Africains souffrent quotidiennement de la faim, a signifié le rapport publié sur VivAfrik. Moussa Faki Mahamat, président de la commission de l’Union africaine, va plus loin et fait de la question de la sécurité alimentaire un enjeu pour la trajectoire historique de l’Afrique, « Dans le temps africain actuel, la souveraineté alimentaire et nutritionnelle devrait être l’âme de notre nouvelle libération de la dépendance alimentaire des fluctuations des marchés et cours céréaliers. Comment nous considérer comme hommes libres alors que nous dépendons pour vivre des vivres d’autrui ? » « Le potentiel est là, mais le potentiel ne se mange pas », a insisté, Akinwumi Adesina. L’Afrique veut tracer sa trajectoire agricole Concrètement, face à une situation critique dans de nombreux pays, Sierra Leone, Zimbabwe, Angola en tête, notamment à cause de l’inflation alimentaire, (+ 13,8 {e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} en 2022 contre 12,9 {e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} en 2021, source BAD), au plus haut depuis plus d’une décennie, la BAD, a annoncé qu’elle va consacrer dix milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour le développement agricole et la souveraineté alimentaire du continent africain. Ce financement s’articulera autour d’un appui direct dans la livraison d’intrants agricoles et alimentaires. « L’agriculture doit devenir le nouveau pétrole de l’Afrique » et, pour ce faire, il faut « des moyens adéquats et durables » pour attirer les jeunes vers les champs et un soutien conséquent aux agriculteurs, surtout les petits exploitants agricoles dont la majorité sont des femmes, a insisté le président de la BAD devant un parterre de chefs d’État mais aussi de représentants du secteur privé, des exploitants agricoles, des partenaires au développement et des dirigeants d’entreprise. Le signifié le rapport de VivAfrik mentionne également que le scénario du pire, avec des « ouragans de famine », comme le craignait l’ONU, a été évité grâce à la reprise des exportations ukrainiennes cet été, mais les prix resteront soutenus en 2023, avec toujours une forte volatilité, a averti l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Yélian Martine AWELE