Dans le cadre de la journée mondiale du vétérinaire célébrée le samedi 26 avril dernier, le journal LE RURAL a reçu en entretien Docteur Christian Dovonou, Président de l’Ordre National des Médecins Vétérinaires du Bénin. Il a abordé les questions en lien avec les actuels défis de la profession au Bénin.
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Comment sont organisés les services vétérinaires au Bénin ?
Les services vétérinaires sont aujourd’hui un modèle réussi de partenariat public-privé dans notre pays. Ce modèle de partenariat public-privé est consacré par l’existence de deux entités au niveau de la profession vétérinaire. Vous avez les services vétérinaires privés et les services vétérinaires publics. Et pour comprendre comment nous en sommes arrivés à cette structuration, je vais rappeler quelques faits de l’histoire.
Initialement, à la sortie de la colonisation, nous avons des services vétérinaires qui étaient exclusivement publics. Donc, l’État devait assurer toutes les prestations vétérinaires. Quand on évolue, surtout vers les années 80, on a constaté, comme dans beaucoup d’autres secteurs, un essoufflement de l’État et son incapacité à disposer des ressources nécessaires pour assurer toutes ces missions. Dans le sillage de ce qui a été appelé programme d’ajustement culturel, il y a eu la nécessité de privatiser la profession vétérinaire. Les prestations vétérinaires devaient être assurées par des acteurs privés et l’État se repositionne dans une fonction régalienne.
Au milieu de ces deux entités, vous avez ce que nous appelons l’organisme statutaire vétérinaire, en deux termes l’Ordre national des médecins vétérinaires du Bénin, qui est un organe institué par une loi de la République, la loi 98-017, portant création, organisation et fonctionnement de l’Ordre des médecins vétérinaires. Cette instance est surtout chargée de veiller au respect de la déontologie, mais aussi, c’est l’organe qui assure la promotion et la défense de la profession vétérinaire.
Quels sont les différents acteurs qui animent ses services vétérinaires ?
Nous avons trois grands groupes d’acteurs. Le premier groupe, c’est le groupe des médecins vétérinaires ou docteurs vétérinaires, ça dépend de l’appellation. C’est ceux-là qui normalement sont appelés les vétérinaires. C’est vrai que dans la pratique quotidienne, tous ceux qui touchent aux animaux sont appelés communément vétérinaires, mais normalement, vous avez le médecin vétérinaire qui est au sommet de la pyramide.
Au milieu, vous avez le grand groupe des para-professionnels vétérinaires, qui est une appellation consacrée par l’Organisation mondiale de la Santé animale. Ce groupe, à la différence du groupe des vétérinaires, est très hétérogène. On a des compétences et des niveaux de formation très variés au sein de cette catégorie-là, allant du niveau baccalauréat jusqu’au niveau master.
Généralement, ce sont des gens qui ont fait des études en lien avec les sciences vétérinaires, donc la production et la santé animale en général. Et il y a un troisième groupe qui, eux, je pourrais les qualifier d’acteurs informels, communément appelés auxiliaires de l’élevage. Aujourd’hui, on a l’Organisation mondiale de la Santé animale qui essaie de structurer ce groupe-là sous le vocable agent communautaire de santé animale.
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Dites-nous en quelques mots le rôle de ces acteurs et en quoi les services vétérinaires contribuent à notre bien-être ?
Les services vétérinaires ont de multiples fonctions à travers les acteurs qui les animent. Je vais les regrouper en quatre grands ensembles. Le premier, c’est ce que nous appelons la santé animale et le bien-être animal. À travers cette fonction, le vétérinaire et le reste des acteurs travaillent sur ce que nous connaissons le plus, qui est de soigner les animaux, de rendre disponible des médicaments vétérinaires, donc d’assurer la pharmacie vétérinaire, mais aussi de travailler à ce qu’il y ait du conseil en élevage. Cette fonction permet entre autres aussi de disponibilité de la nourriture pour la consommation humaine, donc la sécurité alimentaire.
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Nous avons le deuxième groupe de fonctions, qui est une fonction très capitale pour la santé humaine. C’est la fonction en lien avec la sécurité sanitaire des aliments. À travers ces différentes fonctions, notamment le contrôle qualité, le vétérinaire assure que les aliments que nous consommons, donc les denrées alimentaires d’origine animale, là, je veux parler des œufs, du lait, de la viande, etc., que ces aliments-là soient de qualité et que leur consommation ne présente aucun danger pour l’homme.
En troisième lieu, le vétérinaire va intervenir aussi sur ce que nous appelons le contrôle des maladies zoonotiques. Donc les zoonoses, ce sont ces maladies-là qui ont la capacité de franchir la barrière animale-homme, donc ce sont des maladies qui peuvent passer de l’animal à l’homme et vice-versa. Et aujourd’hui, les statistiques ont révélé qu’au moins 60% des maladies infectieuses qui touchent l’homme sont d’origine animale. Donc, vous comprenez qu’en soignant l’animal, on règle une bonne partie des problèmes de santé au niveau de l’humain.
Et l’autre fonction que je voudrais mettre en échec, c’est la fonction de préservation de l’environnement. Donc le vétérinaire, en travaillant déjà sur la santé de la faune, contribue à préserver la biodiversité, les écosystèmes. C’est le vétérinaire aussi qui, par ses actes médicaux, doit assurer une bonne gestion des déchets biomédicaux, garantissant ainsi une très bonne santé pour notre environnement.
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Parlez-nous des défis que rencontrent actuellement les médecins vétérinaires et les autres acteurs dans l’exercice de leur fonction
Le premier défi, c’est un défi au niveau de l’équipe. Donc c’est de disponibilité des ressources humaines en quantité et en qualité avec un maillage suffisant du territoire national. Cela est valable pour le service privé que pour le service public. Aujourd’hui, vous avez encore près de 30% de nos communes qui n’ont pas un seul vétérinaire privé, même si nous sommes déjà à près de 110% de couverture et on peut s’en féliciter, il y a encore une marge de progression.
Si vous prenez les services publics qui ont un niveau central, donc ministère et direction de l’élevage, et le niveau déconcentré, la direction départementale, vous n’avez pas un seul vétérinaire au niveau de toutes les directions départementales du pays. Donc sur le terrain, il n’y a pas un vétérinaire qui assure toutes ces fonctions que j’ai énumérées plus bas. Il y a les para-professionnels qui supplient, mais à l’image de la fonction militaire, vous avez des paramilitaires qui sont par exemple des douaniers, vous ne pouvez pas prendre des douaniers pour aller faire la guerre, vous allez échouer.
Donc, on ne peut pas espérer que des para-professionnels jouent le rôle de vétérinaire et vice-versa. Cela doit être une équipe qui travaille en symbiose avec des responsabilités bien définies.
Le deuxième défi que je vois, c’est un défi au niveau de l’intérêt principal du travail du vétérinaire qui est le médicament. Aujourd’hui, on a un fort circuit illicite de distribution du médicament et surtout des médicaments de mauvaise qualité. Cela pose un problème qui est maintenant une question de santé publique, c’est la résistance aux antimicrobiens.
Les médicaments de mauvaise qualité et mal utilisés par des acteurs non qualifiés créent ce qu’on appelle la résistance, qui en d’autres termes, voudra dire que quand vous allez être malade ou l’animal va être malade et qu’on va mettre les produits recommandés, on n’a plus la guérison. Et c’est le professionnel qui est traité d’incompétent, mais c’est plutôt de la résistance et c’est un fléau aujourd’hui dans tous nos pays, dont le Bénin. Et donc, il est important que nous ayons ce défi à l’esprit pour pouvoir améliorer la santé publique en général.
Un troisième défi peut-être que je vais énumérer, c’est la qualité du plateau technique. Vous avez aujourd’hui la majorité des vétérinaires privés qui font des diagnostics symptomatiques. Donc, ils regardent les signes et puis décident sans pour autant avoir de quoi faire les examens nécessaires. Alors qu’aujourd’hui, la technologie a beaucoup évolué et on peut faire des diagnostics beaucoup plus précis.
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Quel appel ou message fort souhaitez-vous lancer à l’endroit des pouvoirs publics, des partenaires et de la population ?
Le message que l’Ordre des médecins vétérinaires du Bénin voudrait que nous retenions tous est que les services vétérinaires de qualité sont indispensables pour le maintien d’une santé publique optimale.
Réalisé par Jean-Baptiste HONTONNOU