ELEVAGE DE POULETS AU BÉNIN: « Les poulets n’ont pas besoin de prendre d’avion, ils ont besoin d’être multipliés » dixit M. BABADJIDE
La maison du paysan est située à LOKOSSA et le village du paysan à FONGBA. Dans cette maison, le Dr Michel BABADJIDE fait cohabiter différentes espèces animales, son concept d’élevage de volailles locales intensif baptisé « Mammy poule » permet de produire jusqu’à 300 poules en 6 mois. Ce concept vise l’amélioration de l’autosuffisance alimentaire dans les ménages et la protection de la nature. Dans cet entretien, Dr Michel BABADJIDE nous explique le processus d’obtention de « Mammy Poule »
Dr Michel BABADJIDE, médecin vétérinaire. Initiateur et directeur de la maison du paysan.
Comment est né le concept Mamy poule ?
Le concept mamy poule, vient de très loin. Au village avec mon grand-père qui avait plus de 500 volailles (pintades, dindons, canards,), tous mélangés, j’ai constaté que les poules pondaient jusqu’à 20 œufs et gardaient 18 poussins. Elles tombaient moins malade. Aujourd’hui nous sommes à l’ère des technologies modernes et les poules s’arrêtent à pondre 8 œufs. Avec le temps, je me suis aperçu que dans les villages où 4 à 5 poules sont élevées, au moins 100 poussins sont jetés tous les ans. Quand on évalue à une échelle arrondie à 2000 ménages, on obtient 200000 poussins jetés. Si on multiplie l’unité par 2000, cela fait 200 millions que chaque arrondissement jette du fait que les poussins meurent. Au regard de toutes ces difficultés j’ai mis en place un système qui permet d’amener les paysans à soigner les animaux. Et pour le faire, le nœud central était mammy poule. Mammy poule, c’est une poule qui garde jusqu’à 45, 50 poussins ce qui demande d’acheter un abreuvoir, une mangeoire, des médicaments etc.
Pensez-vous que ce concept est pratiqué et accepté par les béninois?
Je voudrais avant de répondre à votre question rappeler que le concept mammy poule a démarré en même temps avec le poly-élevage que j’ai initié et défendu avec fermeté. Après un bon moment, l’institut national de recherche agricole du Bénin a validé le concept et depuis février 2012, ils ont même proposé que cela soit vulgarisé par tous les ATDA ex carder du Bénin.
Il faut dire que les gens n’arrivent pas à soigner leurs poussins alors que le service vétérinaire existe depuis 1919. Beaucoup n’ont pas accès parce que le service vétérinaire et la pharmacie vétérinaire ne sont pas des choses qui sont adaptées aux besoins de nos populations rurales et aux besoins de notre système d’élevage. Aujourd’hui, j’enseigne que la norme pour élever la volaille locale est 15 poules pour un coq.
Quel est le processus d’incubation des volailles de Mammy Poule ?
Aujourd’hui, les poules arrivent à pondre jusqu’à 20 œufs et donc, on prend les œufs des autres poules pour leur donner pour qu’elles les couvent. A cet effet, nous avons amélioré les conditions d’incubation. Dès qu’elles couvent, nous faisons le mirage et le 5e jour, on sort les œufs non fécondés. Quand 3 et 4 poules font les poussins, nous les mettons ensemble et les autres se remettent à pondre 2 à 3 semaines plus tard. Quand on met tous les poussins ensemble, une poule peut garder 40 poussins. Ici, nous en avons donné jusqu’à 78 poussins. À partir de ce moment-là, nous mettons en place un programme de prophylaxie où nous soignons les poussins de façon régulière. Nous leur donnons des antibiotiques les cinq premiers jours, le 14e jour nous faisons l’anticoccidien. Le 21ème jour, nous les vaccinons. Il faut notifier qu’il est très important de suivre une bonne alimentation pour ces poules. Avec une bonne prophylaxie et une bonne alimentation, 10 poules du village suffisent pour produire 300 poulets vivant en 6 mois. A la maison du paysan et au village du paysan, nous faisons des formations sur comment produire des protéines naturelles (mouches, asticots, termites) pour améliorer l’alimentation des poussins.
Mot de fin
Imaginer ce que cette innovation pouvait apporter aux pays africains si on la mettait à grande échelle. Les poulets n’ont pas besoin de prendre d’avion, ils ont besoin d’être multipliés. On peut trouver la moitié de la nourriture dans le circuit naturel. Il suffit de les organiser, de les former, de mettre à disposition des géniteurs, de les accompagner à respecter la prophylaxie et nos marchés vont être inondés par les poulets de qualité. Jusque-là, j’ai l’impression que cela ne dit rien à l’Etat mais beaucoup d’organismes internationaux me font appel pour former les paysans.
Propos recueillis et transcrits par Ruth EDOH