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1er groupe de presse agricole en Afrique de l’Ouest

FINANCE AGRICOLE AU BÉNIN : « Elle peut influencer de façon significative le développement économique », Spécialiste Hountin Kiki Consolat

La finance agricole est cette science qui, jusqu’à aujourd’hui, est négligée dans les politiques et pratiques agricoles dans notre pays. Considérant l’importance et l’impact qu’elle pourrait avoir sur le développement du secteur agricole, il s’avère indispensable de chercher à savoir de quoi il s’agit réellement. Avec Consolat Désiré HOUNTIN KIKI, Spécialiste de la finance agricole et rurale, votre journal aborde la question.

 

LE RURAL : Que pouvons-nous comprendre par la finance agricole ?

INVITÉ : La finance agricole est le domaine qui s’occupe de l’ensemble des services financiers (épargne, prêts, subventions, assurance…) dont peuvent avoir besoin et auxquels ont recours les acteurs du secteur agricole. Et quand nous parlons des acteurs, nous parlons de toute la chaîne de valeur. Il s’agit des fournisseurs d’intrants, des producteurs, des transformateurs et consorts.

  • Que pensez-vous de ce domaine de la finance agricole au Bénin ?

D’abord, il faut saluer les efforts qui sont faits mais reconnaissons qu’il y a un net manque de professionnels de la finance agricole. Un fait intrigant par exemple est que je suis le premier à être diplômé de master en finance agricole au Bénin. Et c’est assez grave. Certes l’État fait des efforts louables, mais il y a quelques lacunes ou paramètres à intégrer pour avoir de meilleurs résultats.

  • Quelle opinion avez-vous sur l’importance de cet outil ?

Si nous prenons aujourd’hui le crédit qui est un domaine de la finance agricole, il est reconnu comme un facteur de l’amélioration de la productivité. Je vous explique : le petit agriculteur dans le sens de la petitesse de sa superficie d’exploitation ou de ses ressources financières, pour devenir un plus grand producteur agricole, a besoin d’acheter des engrais, des semences améliorées, etc. Il a donc besoin de disponibilité de ressources financières pour produire. S’il finit de produire, il va faire des bénéfices et il va accroître son propre niveau de richesse et de bien-être. Mais pour y arriver, il faut qu’il ait accès aux crédits et obtiennent des subventions agricoles.

Par ailleurs, l’assurance agricole reste un élément indispensable. Pour un secteur aussi risqué soumis à d’énormes aléas tel que le secteur agricole, il est indéniable que l’assurance est un moyen de gestion de risques très important.

Il y a donc tellement d’éléments qui nous prouvent aujourd’hui que la finance agricole est un élément fondamental dans le développement agricole

  • Comment la finance agricole peut-elle contribuer au développement économique d’un pays ?

D’abord, selon la Banque Mondiale, nous sommes un pays à vocation agricole. Et toujours selon les projections de la banque mondiale, quand on investit 1f, cela a un impact de 2,5 fois plus important que quand on investit dans un autre secteur. De plus, le développement de la finance agricole permettra d’impulser l’amélioration de la productivité agricole et par ricochet, la transition agricole du Bénin. Si le Bénin produit une tonne à l’hectare tandis que d’autres pays produisent par exemple 05 tonnes à l’hectare du même produit, il faut déjà penser que nous avons besoin des intrants améliorés et d’autres technologies que la finance agricole va permettre de propulser. Une fois à ce stade, vous allez constater que les industries agricoles se développeront également, puisque les matières premières du secteur industriel viennent majoritairement de la production agricole.  Et si le domaine de l’industrie est bien nourri, cela voudra dire qu’il a assez de production et ce sont les systèmes financiers qui accompagnent l’agriculture qui permettent de le faire. Ainsi, la finance agricole peut influencer de façon significative le développement économique d’un pays.

  • Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les agriculteurs béninois pour accéder à la finance ?

Il y a énormément de difficultés concernant l’accès au financement par les agriculteurs. Déjà, quand nous parlons de finance agricole, il y a le financement par l’attribution des fonds, l’assurance agricole, la fiscalité agricole etc. Si nous prenons le financement agricole, ce sont les crédits te les subventions et les crédits. Au premier abord, il est donc observé que lorsque les subventions agricoles sont mal orientées, elles poussent les agriculteurs à être moins efficaces. Dans leur inconscient, ils pensent que c’est de l’argent gratuit et ne l’utilisent pas parfois à bon escient à cause du non encadrement également.

Au niveau des crédits, les difficultés sont terribles. Vous prenez par exemple les banques, elles sont réservées à une certaine classe de la société en matière de prêts. Les petits agriculteurs vivent dans les milieux ruraux où il n’y a pas des banques et ils n’ont pas cette culture d’aller vers les banques. Mais nous avons les systèmes financiers décentralisés (SFD) qui sont censés aider ceux qui viennent du secteur agricole et qui n’ont forcement pas accès aux banques. Mais ces SFD ont aussi des difficultés. D’abord, ils ont des indices de performances. Pour être viable, il ne faut pas qu’ils aient trop de crédits non remboursés parce qu’ils pourront être en difficulté à rembourser à leur tour les épargnants. Et on dira qu’ils ont fait faillite, alors que l’Etat ne peut pas permettre qu’il ait faillite. De ce fait, ces SFD deviennent réticents à faire des prêts risqués. Ce qui constitue un blocage à l’accès au financement.

Le deuxième facteur en ce qui concerne les SFDs se trouvent au niveau du remboursement. Si par exemple le SFD prête à un commerçant, il a la possibilité de faire un remboursement journalier ou hebdomadaire. Ce qui n’est pas possible chez un agriculteur qui doit attendre 08 voire 09 mois pour faire la récolte afin d’entrer en possession de ce qu’il a pu investir. Alors que les SFDs ont de difficultés à voir leur argent immobilisé vu qu’ils ont des fonds à courts termes. Le troisième blocage est que ces deux facteurs sont accentués par l’absence de financier agricole dans les systèmes financiers décentralisés et au sein des banques.  Egalement, il y a la périodicité de remboursement et le rationnement qui posent problème.

  • Comment évaluez-vous l’impact des politiques publiques sur le développement de la finance agricole au Bénin ?

Je pense que la principale réforme sur ce volet, c’est la création du Fond National du Développement Agricole (FNDA) qui est très bien pensée à la base. A ce niveau, il faut dire que le gouvernement a innové et a aussi fait des améliorations au niveau de remaniement du code foncier domanial.

Par contre, aujourd’hui il y a assez de faiblesses. Jusque-là, nous n’avons pas encore un dispositif intéressant d’assurance agricole au Bénin. Avant, il y avait l’assurance mutuelle agricole du Bénin (AMAB) mais qui a disparu, faute de viabilité des offres. Il y a aussi l’absence d’une banque agricole qui constitue l’une des choses qu’il est important de faire. De même, il y a un problème d’information. Par ailleurs, le problème central d’absence de professionnels de la finance agricole au sein des institutions financières béninoises demeure. Mais à ce niveau, il faut remercier le FNDA pour avoir initié le PSIE Agricole.

Parlant du FNDA, nous avons l’impression que les petits agriculteurs ne sont pas touchés. Du centre au Sud Bénin, sur dix agriculteurs, à peine un agriculteur connait réellement toutes ces innovations que le FNDA apporte. Ils entendent tous parler du FNDA mais eux tous sont convaincus que le FNDA n’est pas fait pour eux. Il y a donc la communication à revoir au niveau de cette structure.

  • Quelles sont vos recommandations pour améliorer l’accès à la finance agricole au Bénin ?

Il faut que les spécialistes soient associés aux différentes actions des institutions financières agricoles. C’est vrai que cela pèse sur le chéquier mais cela est indispensable pour avoir une finance agricole efficace.

  • Mot de fin

Pour finir, je voudrais souligner qu’il y a beaucoup d’innovations que nous pouvons apporter au-delà de ce qui se fait. Je remercie encore une fois le gouvernement actuel et surtout le ministre de l’agriculture ainsi que LE RURAL qui s’intéresse à des sujets concernant la finance agricole au Bénin. J’invite tous les autres acteurs à se mettre aux pas. Je vous remercie.

Propos recueillis et transcris par Jean-Baptiste HONTONNOU

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