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1er groupe de presse agricole en Afrique de l’Ouest

PHYTOPATHOLOGIE AU COEUR DU BON RENDEMENT AGRICOLE : «Nous devons éviter la surexploitation en trouvant des méthodes adaptées…», Dr Hervé Soura

 PHYTOPATHOLOGIE AU COEUR DU BON RENDEMENT AGRICOLE :  «Nous devons éviter la surexploitation en trouvant des méthodes adaptées…», Dr Hervé Soura

Au sein des cultures végétales, les maladies constituent un frein pour le rendement réel attendu par les producteurs. Pour pallier ce problème majeur, des scientifiques sont à pied d’œuvre dans les laboratoires et sur les terrains. Dans cet entretien, Dr Hervé Soura, enseignant-chercheur en phytopathologie et physiologie végétale à l’université de Fada N’Gourma au Burkina Faso et  à l’université d’Abomey-Calavi, explique l’importance de cette science et les actions pour une production rentable.

 

 

  • Que peut-on comprendre par phytopathologie ?

La phytopathologie est une science qui s’intéresse à tout ce qui entrave la productivité des végétaux. Aujourd’hui, on se rend de plus en plus compte que les gens pensent que c’est seulement l’étude des microorganismes. La phytopathologie va au-delà de cette spécialité. C’est tout ce qui est contrainte d’ordre biotique ou abiotique. Les contraintes d’ordre biotique sont tout ce qui est lié au vivant et aux maladies. Nous avons les maladies fongiques, bactériennes et virales. Comme contraintes abiotiques, on peut citer tout ce qui ne relève pas du vivant. Il y a par exemple les stress hydrique, salin, les changements de température ou de ph.

  • En quoi cette science peut-elle contribuer à un meilleur rendement agricole ?

Quand on parle de rendement, on parle forcément de la phytopathologie. Si un producteur fait appel à un scientifique quelque soit son bord, il va demander de lui résoudre un problème qui relève de la phytopathologie. La phytopathologie est au cœur, au diapason de la science et fait appel à d’autres sciences connexes. Aujourd’hui, on ne peut pas améliorer la productivité sans parler de rendement. Si on parle de production, on a deux possibilités. Soit on augmente le rendement sur la même superficie ou on emblave les superficies. Malheureusement pour nous, les superficies à emblaver ne sont pas indéfinies parce que chaque pays a un territoire. Donc la seule solution qui reste c’est d’augmenter les rendements sur les mêmes superficies et ça passe par la résolution des différents problèmes qui empêchent la productivité. On se rend compte qu’en Afrique, notre  réelle difficulté n’est pas le rendement mais comment faire pour atteindre les rendements réels. Nous avons des variétés qui ont une bonne productivité mais le rendement réel est différent du rendement potentiel. Pour atteindre ce rendement réel, il faut travailler à diminuer et à minimiser l’impact de tout ce qui est contrainte.

  • Quelles sont les différentes pathologies sur lesquelles vous menez des travaux de recherche?

Au laboratoire, nous travaillons actuellement sur plusieurs thématiques et plusieurs spéculations. Nous travaillons sur les maladies du riz, du haricot vert, du taro, de la fraise. Nous abordons en général tout ce qui est maladie des cultures horticoles. Il s’agit notamment de la grande morelle et bien d’autres spéculations. En plus de cela, nous faisons la promotion de la culture hors sol.

  • Quelles actions humaines conduisent au développement de ces pathologies ?

Pour le développement des pathologies, il faut dire qu’il y a deux aspects. Cela peut être naturel parce que naturellement on a l’évolution des choses. Chaque microorganisme peut prendre le dessus à un moment sur son hôte. On va donc voir l’inflation des maladies. Mais cela ne représente que 1 à 5% de l’apparition des maladies. Les 95% restants sont les faits de l’homme qui est à la base de la prolifération de ces maladies. Soit par la monoculture, soit par le fait de dégrader des superficies sauvages pour pouvoir y cultiver. Lorsqu’on enlève la nourriture naturelle du microorganisme, il va se réadapter. Ce faisant, il devient pathogène des cultures. On a plusieurs phénomènes qui peuvent expliquer ces effets notamment grâce à la diversification ou à la modification de notre écosystème. Les microorganismes qui n’étaient pas pathogènes de nos cultures le deviennent.

  • En quoi la monoculture constitue une cause du  développement des pathologies végétales?

Les microorganismes sont des êtres vivants bourrés d’intelligence et de capacités d’adaptation. Un exemple, c’est lorsqu’on a sur un milieu X des pathogènes disponibles qui se nourrissent de X espèces végétales et qu’on vient détruire sur ce milieu toutes les espèces végétales pour y produire que du maïs. Les agents pathogènes ne vont pas disparaître mais vont se réadapter et venir attaquer le maïs qui au départ n’était attaqué que par un seul pathogène. À la fin, on se retrouve avec de nouvelles pathologies qui apparaissent.

  • Comment arrive-t-on à savoir qu’une culture est envahie par des agents pathogènes ?

Nous avons deux niveaux. Il y a les symptômes constitués d’une modification phénotypique. La plante change de forme, la feuille change de couleur et d’aspect. Ce sont des changements qui peuvent alerter sur la présence de maladies. Plus loin, on a la baisse des rendements. Le producteur sème et se retrouve avec des rendements qui baissent. Cela peut nous alerter sur le fait qu’il peut exister des contraintes ou un déséquilibre du milieu.

  • Avec le développement des pathologies, pensez-vous qu’il faille laisser le traitement de ces pathologies aux producteurs ou faut-il faire appel à un spécialiste ?

Oui, c’est une approche. Mais étant donné que nous sommes dans une situation où nous devons prendre le dessus parce que nous sommes de plus en plus nombreux et nous devons nous nourrir, il faut forcément trouver une solution contre ces pathogènes. Sinon on risque de se retrouver dans une situation où la famine va décimer le monde. Il faut les traiter et le producteur est obligé de faire appel à un spécialiste.

On voit de plus en plus des producteurs utiliser des produits chimiques pour traiter leurs champs. C’est mauvais. Ce n’est pas bien mais on ne peut pas leur en vouloir. C’est à nous spécialistes de leur indiquer quoi et quand faire. Cela n’exclut pas l’utilisation des produits chimiques mais l’utilisation rationnelle de ces produits. Si on avait un système de contrôle au niveau étatique, le producteur n’aurait pas accès à ces produits. Il y a toute une chaîne ou un ensemble à prendre en compte. Il y a une défaillance partout.

  • Pensez-vous que les luttes biologiques ou agro-écologiques soient suffisantes pour éviter l’effet des ravageurs ?

En tant que réaliste et homme du terrain, je pense que c’est une lutte réservée à ceux qui sont rassasiés. Aujourd’hui, la lutte biologique demande des outils et techniques qui ne sont pas adaptées à notre contexte. Nous n’avons pas encore la formation nécessaire et les spécialistes pour aller vers l’agriculture biologique. On risque de ramener notre productivité 20ans en arrière avant de pouvoir trouver la solution. Ce sont des techniques qui coûtent extrêmement chères. Elles sont utiles et peuvent être utilisées à la maison mais pas encore à l’échelle nationale. Pour des projets à long terme, on peut y réfléchir. À court terme, je pense qu’on doit penser à l’intensification agricole.

Quelle est votre appréciation de semences issues de variétés résistantes et d’extraits de plantes pour faire face aux pertes de rendement ?

Les variétés résistantes nous aident beaucoup. On travaille en collaboration avec les généticiens pour développer ces variétés résistantes car on s’est rendu compte que les méthodes traditionnelles de lutte ont leur limite. Les variétés résistantes permettent d’optimiser les différentes méthodes de lutte pour l’atteinte de résultats probants. D’aucuns font l’amalgame entre variétés résistantes et OGM. C’est un système complètement différent. La plupart des variétés que nous consommons aujourd’hui sont améliorées.

  • Quelles sont les nouvelles pathologies constatées ces dernières années et quelles sont les actions menées pour y remédier ?

Les céréales sont confrontées à plusieurs contraintes selon l’espèce considérée. Lorsqu’on prend le maïs, il y a les champignons, les bactéries. On voit de plus en plus une flambée des différentes maladies fongiques sur le maïs qui peuvent aller jusqu’à la rouille, le charbon, la fusariose. On a aussi la chenille légionnaire du maïs qui constitue une contrainte majeure pour la production.

Les méthodes de lutte sont nombreuses. On a les variétés résistantes qui sont là, les produits chimiques, le méthode de lutte culturale, la rotation de cultures. Je voudrais qu’on intègre dans le système béninois et ailleurs la lutte préventive. Il faut mettre en place un système de prévention. Il faut recruter les jeunes pour nous aider à faire de la surveillance. Quand la prévention est faite tôt, la méthode de lutte est plus spécifique et efficace.

  • Quel est votre regard sur l’avenir de la lutte contre les pathologies végétales ?

Il faut trouver l’équilibre dans la production tout en respectant l’environnement. Nous devons éviter la surexploitation en trouvant des méthodes adaptées et permettre aux producteurs de vivre de l’agriculture.

L’état doit penser au recrutement des jeunes, l’accompagnement des producteurs, le suivi. L’état doit aussi mettre en place un système de contrôle des produits phytosanitaires au niveau des frontières poreuses. Il faudra travailler à mettre en place sur le marché des produits homologués parce que 80% des produits ne le sont pas avec des dates de péremption et des compositions qu’on ignore. L’état doit veiller à mettre à la disposition des producteurs des produits homologués et ayant peu d’incidence sur la santé humaine et animale.

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