CHERTÉ DE LA VIE:Double fardeau pour les petits agripreneurs
Les ministres béninois viennent d’achever une tournée nationale d’explication de sensibilisation sur la cherté de la vie. Des causes exogènes ont été mises en exergue comme étant à la base de la crise. Si ses effets n’épargnent personne, les agripreneurs semblent être les plus touchés. Comment ? Réponse dans ce document qui leur a été consacré, après cette tournée des membres du gouvernement.
A quel facteur attribuer la flambée des prix des produits de première nécessité ? Cette question, à laquelle il était difficile de répondre il y a quelques mois, a désormais une kyrielle de réponses. De la pluviométrie capricieuse, conséquence d’une productivité en déclin, à la crise sanitaire, les Béninois savent ou comprennent aujourd’hui les origines de leurs maux. Le gari, le riz, l’huile ou le maïs, ont vu leur prix monter en flèche, créant ainsi une situation des plus délétères dans le pays. Chacun se plaint. Du fonctionnaire aux femmes dans les marchés de même que les agriculteurs, nul n’est épargné.
Les agripreneurs estiment subir comme tout le monde, la cherté de la vie et même plus. « Un agripreneur est un consommateur final. Il vit doublement la cherté de la vie puisqu’il est lui-même consommateur. Il vit la cherté de la vie à cause de son activité qui lui impose d’acquérir les intrants agricoles », se lamente Romain Abilé HOUEHOU, entrepreneur agricole. Il estime qu’il est impossible de faire l’agriculture sans les intrants agricoles ; or, cette cherté de la vie a occasionné, l’augmentation du prix des intrants et machines agricoles de même que celui des prestations agricoles. Une réalité que confirme l’agripreneur Alfred GODONOU : « C’est vrai que l’engrais a été subventionné mais les autres produits, les herbicides ne l’ont pas été, du moins pas à ce que je sache. Les herbicides cédés auparavant à 2000 ou 3000 FCFA, sont désormais à 4000 ou 6000FCFA. »
Ces agripreneurs font remarquer que leurs dépenses sur les mêmes surfaces cultivées, sont plus élevées que d’habitude, alors que les rendements stagnent. Malgré les différentes mesures du gouvernement, les lignes n’ont véritablement pas bougé sur le terrain.
Une tournée de trop ?
Les avis sont mitigés dans le rang des agripreneurs à propos de la tournée gouvernementale sur la cherté de la vie. Alfred GODONOU pense qu’ « elle ne règlera pas le problème de cherté de la vie, mais que seules des actions concrètes vont changer la donne ». En revanche, pour son confrère Romain Abilé HOUEHOU, l’exécutif est dans son rôle d’aller expliquer les tenants et aboutissants de la cherté de la vie. « Une tournée gouvernementale, c’est une excellente chose. Il faut expliquer la situation que la planète traverse, ne pas rester indifférent face à ce phénomène. Il avait donc l’obligation de redonner espoir », affirme-t-il. Cependant, souligne-t-il, des propositions de solutions adaptées au contexte béninois, en fonction des moyens, pratiques et cultures, sont indispensables.
Quelques pistes de solution
Conscient que le gouvernement a les moyens et le pouvoir de changer les choses pour une réelle amélioration de la situation, les agripreneurs pensent aux actions concrètes. Alfred GODONOU suggère au gouvernement de subventionner presque tous les produits de première nécessité. Romain Abilé HOUEHOU, pour sa part, trouve qu’il faut plutôt un mécanisme d’écoute du peuple. Que la liberté d’expression soit accordée, ajoute-t-il et que les débats pluriels soient menés dans les médias afin d’écouter dans la pluralité, les préoccupations des citoyens. Tout en félicitant le Chef de l’Etat pour l’initiative, Romain affirme qu’il faudrait que le gouvernement évalue efficacement la mise en œuvre des mesures qui ont été prises lorsque les prix ont flambé. « Notre économie est actuellement en déconfiture. La structure économique du pays qui était sur de bonnes hospices a commencé par se fragiliser à cause de cette crise et à cause du défaut de l’appréciation juste de ce que les populations vivent », a-t-il conclu.
Cherté de la vie : menace pour le gouvernement ?
Selon un rapport du Fonds Monétaire International (FMI), la cherté de la vie qui touche de plein fouet le monde entier en général et certaines parties de l’Afrique de manière sévère, risque de susciter des crises sociales dans certains pays africains. Une situation qui fait dire au chroniqueur Edouard ADODE que: « La misère qui s’aggrave au quotidien pourrait facilement dresser le lit à des mouvements populaires à l’instar du printemps arabe qui a été fatal à bon nombre de gouvernements en Afrique. » Mieux vaut prévenir que guérir. Pour le spécialiste, la tournée d’information du gouvernement béninois se présente ainsi comme une action anticipative sur ce danger que craint tout pouvoir politique.