MOBILITÉ PASTORALE AU BENIN : Un système d’élevage opportuniste malgré les nombreuses menaces
Il est courant de voir des bergers se déplacer avec leur troupeau à travers des zones géographiques spécifiques à la recherche de pâturages, de ressources en eau ou de marchés. Certaines études effectuées sur ce système d’élevage révèlent les nombreuses opportunités qu’il offre, même si à ce jour des menaces pèsent sur le secteur du pastoralisme en général.
Cédric Joawo BAKPE
Selon le recensement national agricole, les ovins et les caprins constituent le groupe des petits ruminants élevés dans toutes les contrées du Bénin, avec respectivement 2 295 522 têtes et 2 362 001 têtes de caprins. En ce qui concerne les bovins, on dénombre 1 773 157 têtes, et pour ce qui est des porcins, on compte 681 885 têtes. Ces chiffres précisent l’effectif du cheptel au Bénin, dont la contribution au PIB du secteur agricole est déterminante. D’après les chiffres avancés par l’Institut National de la Statistique et du Développement (INSTAD) en mars 2023, au quatrième trimestre de 2022, la valeur ajoutée du secteur agricole au Bénin s’est accrue de 4,5 %, après 4,6 % un an plus tôt. La branche élevage et chasse a connu une croissance de 7,4 % de sa valeur ajoutée en 2022, après 9,9 % un an plus tôt. D’une certaine manière, la mobilité pastorale, en tant que méthode traditionnelle d’élevage des troupeaux de ruminants, participe à rendre plus viable le secteur.
Un système productif
Pour certains peuples, le pastoralisme est un élément fondamental de leur culture. De ce fait, plusieurs raisons soutiennent la mobilité pastorale, notamment la recherche de pâturages et de ressources en eau, ainsi que le transit vers les marchés de bétail. Karim GOUNOU, un commerçant de bétail à Guinagourou dans la Commune de Pèrèrè, maîtrise cette démarche. Selon lui, certaines personnes achètent des ruminants qu’elles confient à des bergers salariés. Ces derniers sont chargés de les exploiter et de les entretenir. Cela les amène à la quête permanente de résidus de récolte dans des exploitations agricoles en période de sécheresse. D’autres poursuivent essentiellement des fins commerciales, donc le transit vers les marchés à bétail. Les résultats d’une étude portant sur la « Diversité de la production bovine au nord-ouest du Bénin », publiée dans le bulletin de la recherche agronomique du Bénin en janvier 2023, révèlent que
« les éleveurs transhumants et migrants, tout en valorisant les résidus de récoltes, alimentaient les marchés locaux en produits d’élevage (viande, lait, fromage) et amélioraient la qualité nutritionnelle des populations qui les accueillaient. »
Toutefois, parfois, certains transhumants se heurtent à la colère des populations locales.
Une pomme de discorde entre agriculteurs et éleveurs
Dans une étude intitulée « Le pastoralisme en Afrique : Un mode d’existence en péril », Pierre Jacquemot souligne que « le pastoralisme traditionnel a perdu ses bases sociales et physiques. Au fil des ans, les aires pastorales sont de plus en plus impactées par la poussée urbaine et les mises en culture. La raréfaction des pâturages résultant de la privatisation des terres et de l’investissement agricole pousse à la sédentarisation ». De plus, les enjeux sécuritaires limitent aujourd’hui la mobilité des troupeaux. Les souvenirs des conflits locaux entre agriculteurs et éleveurs, souvent enregistrés, sont encore vivaces. Pour résoudre une partie du problème, le gouvernement du Bénin a choisi de supprimer la transhumance internationale et travaille actuellement à la sédentarisation des troupeaux de ruminants.
Dans ce but, le Projet de Sédentarisation des Troupeaux de Ruminants, actuellement dans sa phase pilote, est mis en œuvre. Parallèlement, d’autres mesures telles que l’adoption du Code Pastoral en avril 2019 renforcent l’arsenal juridique. Ce code détermine les règles et les principes fondamentaux applicables en matière de pastoralisme en République du Bénin. L’Association Nationale des Organisations d’Éleveurs de Ruminants travaille périodiquement à expliquer son contenu aux éleveurs. De plus, un arrêté interministériel limite depuis 2018 la mobilité du bétail en dessous de la ville de Dassa-Zoumé.
Dans son dossier de capitalisation intitulé « Accompagner la mobilité pastorale », Acting for Life défend l’idée de la construction de pistes à bétail. Pour qu’elle soit réellement opérationnelle, la piste doit répondre à trois fonctions correspondant aux besoins habituels d’un troupeau : se déplacer, pâturer, s’abreuver, se reposer. Acting for Life insiste beaucoup sur la sécurisation de cette piste. Des efforts sont consentis des deux côtés pour gérer au mieux les enjeux liés à la mobilité pastorale. Quoi qu’on dise, l’avenir du pastoralisme reste encore incertain.