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1er groupe de presse agricole en Afrique de l’Ouest

ARBORICULTURE FRUITIERE AU BENIN: Les réflexions du Dr. Fabrice Afloukou pour une relance de la filière orange

 ARBORICULTURE FRUITIERE AU BENIN: Les réflexions du Dr. Fabrice Afloukou pour une relance de la filière orange

Le gouvernement du Bénin a depuis 2016 mis en place pour conduire sa politique agricole de nouvelle structure au rang desquels les Agences territoriales pour le développement agricole (Atda). Au titre des missions confiées à ces nouvelles structures figurent la promotion des filières agricoles. Au nombre de sept (07), ces pôles ont été doté de personnalité juridique et une autonomie financière. Au titre des filières d’intérêt figure les fruits en particulier l’orange.

Votre hebdomadaire s’est rapproché d’un spécialiste de la question avec qui nous avons abordé la question de la promotion de l’arboriculture fruitière au Bénin.

  1. Présentez-vous a nos lecteurs

Je suis Fabrice Afloukou, Phytopathologiste, spécialiste de la pathologie des agrumes. Je suis titulaire d’un diplôme d’ingénieur agronome obtenu en 2013 à la faculté d’agronomie de l’université de Parakou et d’un doctorat obtenu récemment (Janvier 2021) à l’Université de Çukurova (Turquie). Actuellement, je suis associé de recherche rattaché au Laboratoire de Phytotechnique d’Amélioration et de Protection des Plantes de la Faculté d’Agronomie à l’Université de Parakou.

  • L’arboriculture fruitière que devons nous y comprendre

En horticulture, l’arboriculture est la culture des arbres, arbustes et arbrisseaux. Elle comprend la sélection d’espèce, la plantation, la fertilisation, le greffage, le bouturage, la gestion des maladies et ravageurs, la taille, etc…

L’arboriculture fruitière encore appelé fruiticulture correspond à la production des arbres fruitiers comestibles. Selon l’espèce cultivée, nous avons l’agrumiculture ou la culture des agrumes (citron jaune, lime, cédrat, orange, mandarine, pamplemousse, pomélo, bergamote, kumquat), la viticulture ou la culture de la vigne,  etc…

  • Le Bénin fait partie des pays producteurs d’orange, quels sont ses atouts.

Les agrumes ont besoin d’une température moyenne de 21-30°C, de 1000-1200 mm d’eau bien répartis pour leurs activités physiologiques optimales, et d’un sol sablo-argileux (10-40{e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112} d’argile) bien drainé et dépourvu de couche de roche ou de gravier dans le premier mètre. Ces conditions sont bien réunies dans certaines localités du centre et sud du pays. Le septentrion avec ses six mois de saisons sèche et des températures avoisinant les 35ºC pourraient infliger un stress hydrique sévère à la culture dans un contexte de production exclusivement pluviale.

En terme de condition pédo-climatiques, le Bénin dispose d’un avantage comparative sur ses voisins (Burkina-Faso et le Niger notamment). Ce qui fait de ces derniers de potentiels marchés pour les oranges et autres agrumes produits au Bénin.

Au plan national, les oranges sont très appréciées pour ces nutriments, enzymes et vitamines. Elles sont particulièrement prisées pendant la période du jeûne de ramadan par la communauté musulmane et de convalescence pour son pouvoir digestif.

  • Que peut on retenir des statistiques de production d’orange ces 5 dernières années

Pendant les trois dernières décennies, les oranges ont connus une croissance en superficies emblavées par opposition aux rendements qui font le chemin inverse. En 2019, le rendement moyen d’orange du pays a atteint 1,46 tonnes par hectare; le quatrième plus faible au monde. Ces données sous entendent une production extensive en lieu et place de celle intensive pratiqué normalement en agrumiculture à travers le monde; et résume parfaitement l’état agonisant dans lequel se trouve la production d’orange au Bénin.

  • Quels sont les principaux défis (recherche, organisation des acteurs, structuration du marché, etc) de la filière au Bénin en lien avec la politique de promotion des filières instaurer par le gouvernement de son excellence Patrice Talon

La production des agrumes est généralement limitée par les maladies dont les plus économiquement importantes sont causées par des parasites obligatoires (virus, viroides, phytoplasmes, et mycoplasmes). Une actualisation des connaissances sur l’état sanitaire des vergers agrumicoles du pays s’avère primordiale à une éventuelle politique de relance de la filière agrume dans le pays. Les conditions (Epidémie de Tristeza virus dans les années 1970, présence des vecteurs du virus sur le territoire nationale : Aphis gossypii et Toxoptera aurantii, infestation récentes et massive des vergers agrumicoles du Nigeria) sont réunis pour une infestation des vergers béninois au virus le plus létal en agrumiculture (Citrus tristeza virus. Aussi des symptômes de la maladie de l’exocortis, responsable d’importante perte de rendement à travers le monde, causé par  »citrus exocortis viroid » ont-t-ils été signalés. Le lime rangpur étant le porte greffe le plus utilisé au Bénin, une infestation massive via le greffage est à soupçonner.

D’autres maladies non encore identifiés pourraient être en train de servir dans les vergers du pays. Seules des études épidémiologique et de caractérisation moléculaire pourrait révéler les pathogènes qui sévissent dans les nos vergers ainsi que les isolats. Aux maladies, il faut ajouter les ravageurs. Les termites creusent des galeries dans les troncs des plants d’agrumes. Les mouches de fruits  quant à eux, rendent les fruits frais impropres à  l’exportation à cause des taches que laissent leurs piqûres sur la surface des fruits.

Par ailleurs, aussi bien les vergers que les pépinières sont mal gérés ; et ce depuis des décennies. Il se pose entre autre le problème de renforcement des capacités des acteurs de la  filière agrumes en terme d’identification et de gestion des maladies et ravageurs, de résilience face aux effets des changements climatiques, de conduite  des  pépinières  et vergers, de production de plants certifiés, de gestions post-récolte de leurs fruits et d’approvisionnement en produit phytosanitaire de qualité, engrais spécifiques, outils modernes de tailles et de récolte.

La formation des pépiniéristes et agrumiculteurs aux bonnes pratiques agrumicoles s’avère primordiale. Les pépiniéristes ont besoin du renforcement de capacités en rapport avec la conduite des pépinières d’agrumes. Il faut entre autre vulgariser la désinfection des outils de greffage et de taille à l’aide de l’eau de javel concentrée à 2-5{e43727ebdf1c82cdaf05db1b2e953f1c6b388407dfc0230603c9b856384b4112}, tandis que la mise en place des jeunes plants à même le sol, le greffage trop rapproché du collet, le transport des jeunes plants à racines nues, l’utilisation de sol lourd non stérilisé pour la mise en place des pépinières est à déconseiller.

Certaines pratiques culturales et la densité des plantations mérite d’être revue à la baisse. Les écartements de l’ordre de 7 x 7 m, 7 x 7.5 m, et 8 x 8 m  permettraient une bonne aération des plantations et la réduction de la compétition entre les plants pour l’accès aux rayons solaires. Les associations de cultures dans les vergers d’agrumes comportent quelques risques. L’association agrumes–maïs et agrumes–coton, par exemple, pourrait augmenter la prolifération parasitaire sur les agrumes dans le sens où ces trois cultures ont en commun le puceron du cotonnier (Aphis gossypii Glover)  et  le puceron des carottes (Myzus persicae) comme ravageurs, deux importants vecteurs de la tristeza (Citrus tristeza virus). Celui de la tomate avec les agrumes pourrait être à la base de la transmission  mécanique de l’exocortis d’une culture à l’autre.

Le développement et la mise en place des engrais spécifiques pour les agrumes  s’avèrent nécessaires dans chaque zone agro-écologique du pays où le fruit est produit. Il est nécessaire de promouvoir les opérations de désherbage, le traitement phytosanitaire,  de  taille,  de récolte,  de ramassage des fruits pourris des vergers, etc… L’appui des pouvoirs publics et des partenaires au développement dans la vulgarisation des scies à poteau, sécateurs télescopiques, pulvérisateurs électriques, désherbage mécanique motorisé ou non, sont nécessaires à la réduction de la demande en main-d’œuvre de plus en plus rare.

En ce qui concerne l’atténuation des effets des changements climatiques, il convient d’installer des  méthodes d’irrigation simple et peu couteuse (sacs d’arrosage d’arbre goutte à goutte ou bidons couplés aux goutteurs d’arrosage) afin de réduire un tant soit peu le stress hydrique des plants dans la mesure où les saisons sèches deviennent de plus en plus longues et des poches de sècheresse s’observent en pleine saison pluvieuse.

Enfin, la multiplication des unités de transformation et la recherche de nouveaux débouchés sont des pistes crédibles pour limiter les pertes post-récoltes.

  • Votre mot de fin

La relance de la production  des agrumes requiert  l’intervention des acteurs à divers niveau.

En premier lieu, il faut une connaissance approfondie de l’état sanitaire des vergers agrumicoles du pays et la gestion des maladies. Il est essentiel de connaître les maladies d’importance économique majeure, leurs propagations, ainsi que la caractérisation moléculaire et ou biologique des agents pathogènes à la base de ces maladies. Ceci faciliterait le choix de nouvelles variétés (greffons et ou porte-greffes); méthode de lutte contre les maladies la moins couteuse et la plus respectueuse de l’environnement.

Il est aussi nécessaire que les pouvoirs publics mettent en place un programme de certification et de production de plants d’agrumes exempts de pathogènes.

Le second point est la gestion des ravageurs dans le strict respect de l’environnement et de la santé des consommateurs. L’utilisation de bio-pesticides constitue une piste sérieuse. Aussi faut-il répertorier l’ensemble des ravageurs présents sur les agrumes dans le pays.

Propos recueillir par Djibril AZONSI

LE RURAL

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